I. QU’EST-CE QUE LA CONCURRENCE DÉLOYALE ?
La concurrence déloyale comprend plusieurs comportements qui sont souvent reprochés ensemble. La concurrence déloyale n’est ainsi pas retenue pour une seule pratique mais pour un ensemble de pratiques préjudiciables.
Il existe plusieurs types de sanctions applicables en cas de concurrence déloyale, notamment des dommages et intérêts. Cet article vous apporte une définition de la concurrence déloyale, ainsi que les risques résultant de cette pratique.
Les comportements déloyaux commis en violation des règles applicables peuvent conduire à une condamnation. Cet encadrement vise à promouvoir les usages honnêtes des outils économiques et lutter contre la concurrence abusive.
A. LE DÉNIGREMENT
La divulgation d’informations susceptibles de jeter le discrédit sur une autre entreprise constitue un acte de dénigrement selon la jurisprudence (Cass. 1re civ., 11 juill. 2018, n° 17-21.457). Le dénigrement cible une entreprise concurrente par des propos qui visent ses produits, ses services ou son activité notamment. L’objectif est de détourner les clients de l’entreprise concurrente. Le dénigrement ne requiert pas que l’information soit exacte ou fausse. Un exemple de dénigrement est ainsi la publicité comparative illicite. La publicité comparative n’est ainsi pas autorisée lorsqu’elle délivre des informations de nature à induire en erreur, lorsqu’elle prend des produits dont les caractéristiques diffèrent.
L’auteur des actes dénigrants peut néanmoins se voir exonérer de sa responsabilité en raison de faits justificatifs. C’est le cas lorsque l’information transmise est d’intérêt général, qu’il possède une base factuelle suffisante sur laquelle il fonde ses propos ou que ceux-ci demeurent mesurés.
B. LA DÉSORGANISATION
Plusieurs faits peuvent caractériser la désorganisation d’une entreprise concurrente.
Tout d’abord, la désorganisation est caractérisée en cas de débauchage des salariés de son concurrent. L’entreprise fautive recrute un salarié et l’aide à rompre sa clause de non-concurrence conclue avec l’entreprise qu’il a quittée. Celle-ci peut alors engager la responsabilité solidaire du salarié qui a rompu son obligation de non-concurrence et de l’entreprise l’y ayant incité. Il faut néanmoins démontrer que l’entreprise ayant recruté le salarié avait connaissance de son obligation de non-concurrence. Des éléments factuels sont de plus nécessaires pour souligner qu’il y a bien au débauchage. Les juges examinent ainsi le nombre de recrutements effectués, les délais qui séparent les nombreux départs de l’entreprise victime, la sélection et le recrutement effectués par l’entreprise fautive, les conditions de départ (licenciement ou démission), la situation financière de l’entreprise victime, mais aussi les objectifs visés par le nouvel employeur. Enfin, doit bien sûr être démontrée la désorganisation de l’entreprise victime résultant du débauchage.
Le détournement de clientèle constitue également un acte de débauchage. Le recrutement de la clientèle concurrente n’est aucunement illicite. Néanmoins, une entreprise peut s’estimer victime d’un détournement de clientèle lorsque sa concurrente fait usage de procédés déloyaux pour démarcher sa clientèle. La démonstration du détournement déloyal se démontre souvent par la réunion de plusieurs éléments de fait. Une entreprise capte ainsi une clientèle de manière illicite si elle fait usage de propos dénigrants, débauche les salariés concurrents, détériore les publicités de son adversaire, obtient des informations confidentielles de sa concurrente, etc.
{{cta-news="/cta"}}
C. LE PARASITISME ÉCONOMIQUE
Le parasitisme consiste à s’immiscer dans le sillage d’une entreprise adverse pour bénéficier de ses efforts et investissements sans avoir à en réaliser par soi-même. Le parasitisme doit réunir plusieurs éléments pour être caractérisés. L’agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre pour en tirer profit.
Tout d’abord, le parasitisme peut cibler la notoriété d’une entreprise, d’une marque, d’un produit, de ses investissements ou encore de ses innovations. Il convient ensuite de démontrer que l’entreprise en tort a volontairement décidé de se placer dans le sillage de sa concurrente. C’est notamment le cas lorsque l’entreprise adopte un comportement de nature à créer une confusion avec sa concurrente. Les deux entreprises sont alors confondues. Tout élément peut être de nature à créer la confusion : la reprise de publicités, du nom d’une marque, d’un slogan, d’une charte graphique, de produits. Enfin, le parasitisme requiert de démontrer l’absence d’efforts consentis par l’entreprise mise en cause. Elle n’a pas réalisé d’investissements, de travail ou consenti à des efforts particuliers pour bénéficier des retombées de l’entreprise concurrente.

D. LA CONFUSION
La confusion vise à imiter des signes distinctifs d’une entreprise concurrente, comme son nom, sa marque, son logo, le design de ses produits. Plusieurs éléments sont examinés par le juge pour établir la confusion. Il convient en effet de prendre en compte le secteur d’activité des entreprises pour vérifier qu’il y a bien confusion entre des produits similaires ainsi que le déploiement géographique des deux entreprises. Des faits justificatifs permettent néanmoins de ne pas retenir la confusion. C’est le cas lorsque les éléments imités sont banaux ou ne peuvent être effectués différemment en raison de contraintes techniques.
II. QUELLE ACTION EN JUSTICE ?
A. UNE DEMANDE DE CESSATION DES AGISSEMENTS DÉLOYAUX : L’ACTION EN REFERE
La concurrence déloyale est un agissement continu : ainsi, l’entreprise victime peut tout d’abord demander au juge que les agissements cessent. Pour cela, elle peut intenter une action civile auprès du juge des référés afin qu’il ordonne sous astreinte la cessation des pratiques déloyales.
L’action en référé est introduite par une assignation effectuée par l’entreprise victime à sa concurrente.
Sur le fondement de l’article 834 du Code de procédure civile, l’entreprise victime doit démontrer la condition d’urgence, c’est-à-dire qu’un important délai avant le jugement serait de nature à créer un préjudice chez la victime. Le juge des référés dispose alors de pouvoirs étendus. Il peut ordonner toute mesure à condition que celle-ci ne fasse l’objet d’aucune contestation sérieuse, de sorte que les faits sont clairs et établis, ou qu’elle soit justifiée par l’existence d’un différend entre les parties.
L’entreprise peut également exercer un référé conservatoire en vertu de l’article 835 du Code de procédure civile. Le juge des référés prescrit alors des mesures de remise en l’état. La victime doit néanmoins réunir plusieurs conditions pour effectuer ce recours. En effet, il lui faut démontrer l’existence d’un dommage imminent ou d’un trouble manifestement illicite. L’urgence n’a quant à elle pas besoin d’être caractérisée.
En l’espèce, un trouble manifestement illicite est constitué en cas de risque de confusion dans l’esprit de la clientèle, de dénigrement ou encore de publicité mensongère. Le juge des référés peut alors enjoindre l’entreprise en tort à cesser la diffusion des publicités et documents qui jettent le discrédit ou créent une confusion avec l’entreprise victime. Il peut également, en cas de détournement de clientèle, interdire à l’entreprise fautive de contacter la clientèle de sa concurrente.
B. UNE DEMANDE DE MESURE D’INSTRUCTION
L’entreprise peut également demander au juge des référés d’effectuer des mesures d’instruction afin de constater l’existence des pratiques déloyales en vue d’une action en justice, en vertu de l’article 145 du Code de procédure civile. La constitution de preuves peut en effet être complexe pour l’entreprise fautive qui fait face au secret des affaires. L’entreprise victime doit alors démontrer au juge des référés une suspicion légitime de concurrence déloyale. La suspicion doit être fondée, elle ne peut s’appuyer sur de simples allégations. Le juge, une fois convaincu, peut alors instruire des investigations directes chez l’entreprise mise en cause. Peuvent alors intervenir plusieurs professionnels comme un huissier de justice, et les procès-verbaux qui résultent des mesures d’investigation permettent de constituer des preuves.
C. UNE DEMANDE EN RÉPARATION
En cas de concurrence déloyale et parasitaire avérée, visant à titre d’exemple à détourner la clientèle du concurrent, la victime peut attaquer l’agent fautif pour obtenir réparation. Ces règles ont pour objectif de sanctionner les comportements visant à nuire à la concurrence et protéger les sociétés concurrentes tout en réparant leurs préjudices.
La concurrence déloyale est fondée sur la responsabilité civile de droit commun, en vertu des articles 1240 et 1241 du Code civil. L’entreprise qui s’estime victime de pratiques déloyales doit ainsi démontrer trois éléments que sont une faute, un préjudice, et un lien de causalité. Elle doit alors démontrer les agissements fautifs, illégaux, de sa concurrente. Elle doit ensuite faire état du préjudice qu’elle a subi du fait de l’action déloyale, comme une perte de clientèle ou de chiffre d’affaires, et du lien de causalité existe entre l’action déloyale et son dommage.
Si l’action a lieu entre deux entreprises, la juridiction compétente est souvent le tribunal de commerce, et si la concurrence déloyale relève des agissements d’un ancien salarié, l’action peut relever du conseil des prud’hommes.
Ainsi, si un agent économique s'immisce dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts, de son savoir-faire ou de sa notoriété, les articles 1240 et 1241 du Code civil trouveront à s’appliquer.
Si un acte de concurrence déloyale a été commis, engendrant un préjudice subi par une personne identifiée, celle-ci peut engager une action en concurrence déloyale.
III. LE RISQUE PÉNAL : LES PRATIQUES COMMERCIALES TROMPEUSES OU DOUTEUSES
A. QUE SONT LES PRATIQUES COMMERCIALES TROMPEUSES OU DOUTEUSES ?
La pratique commerciale déloyale est susceptible d’être incriminée pénalement. Tout d’abord, une pratique commerciale déloyale est définie à l’article L. 121-1 du Code de la consommation comme une pratique « contraire aux exigences de la diligence professionnelle et [qui] altère, ou est susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service ».

Il existe deux types de pratiques commerciales déloyales : les pratiques commerciales trompeuses et agressives.
Les pratiques commerciales trompeuses sont définies aux articles L. 121-1 à L. 121-5 du Code de la consommation. Plusieurs comportements sont incriminés. Sont en effet visés les pratiques destinées à créer un risque de confusion entre différentes entreprises par la reprise de signes distinctifs comme un nom, une marque, un logo, une publicité. Sont également visés les allégations de nature à induire les consommateurs en erreur quant aux caractéristiques d’un produit et de son entreprise. Sont enfin incriminés les pratiques de nature à masquer l’identification d’une entreprise, à présenter un bien comme identique à un autre alors qu’ils partagent des caractéristiques différentes, et à masquer des informations essentielles au consommateur quant aux produits, services ou à l’entreprise qui les fournit.
La loi du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs a introduit les pratiques commerciales agressives, qui constituent une transposition d’une directive européenne. Deux éléments constituent des pratiques commerciales agressives. Elles sont définies, au regard de l’article L. 121-6, par des sollicitations incessantes ou l’usage de la contrainte physique ou morale, et une altération au consentement du consommateur ou à l’exercice de ses droits contractuels. L’article L. 121-7 définit quant à lui ces pratiques agressives. C’est le cas notamment de donner l’impression à un consommateur qu’il ne peut quitter les lieux avant d’avoir signé le contrat. C’est également le fait d’effectuer des visites personnelles au domicile du consommateur en dépit sa son refus.
B. LA SANCTION PÉNALE DES PRATIQUES COMMERCIALES DÉLOYALES
Les pratiques commerciales trompeuses sont sanctionnées par deux ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende, conformément à l’article L. 132-2 du Code de la consommation.
Les pratiques commerciales agressives sont punies des mêmes peines en vertu de l’article L. 132-11 du Code de la consommation. L’amende peut également être calculée de façon proportionnée aux avantages indument perçus et représenter jusqu’à 10% du chiffre d’affaires de l’entreprise mise en cause. Celle-ci peut également subir une interdiction d’exercer une activité commerciale pendant cinq ans, en vertu de l’article L. 132-12.