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July 2022
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Dois-je donner mon code de dévérouillage de téléphone en garde à vue ?

Lorsque vous êtes placé en garde à vue, l’enquêteur peut vous demander de lui donner votre code de téléphone afin de vérifier si des éléments sont utiles à l’enquête, notamment des échanges, des photographies ou des déplacements enregistrés dans votre smartphone. 

Êtes-vous dans l’obligation de donner votre code de téléphone lorsque vous êtes placé en garde à vue, sous peine d’être poursuivi pour refus de délivrance de votre code de déverrouillage ? 

 Plusieurs cas de figure peuvent se rencontrer. 

Conseil #1 :
Un avocat en garde à vuepeut vous paraître superflu, vous pouvez ne pas en voir une grande utilité.Cependant, les personnes qui ne se sont pas préparées à une audition ou unegarde à vue le regrettent. Nous conseillons de prendre a minima un rendez-vous au cabinet afin que nous puissions vous expliquer la procédure, vosdroits et vous donner des conseils pour faire face à cet événement stressant. 

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Jeter un oeil sur l’infographie sur vos droits en garde à vue

1. En cas de demande informelle, vous n’avez pas l’obligation de déverrouiller votre téléphone

1.1 La demande informelle de déverrouillage du téléphone

Un agent de police judiciaire ou un gendarme peut demander à une personne placée en garde à vue de lui communiquer le code de déverrouillage du téléphone afin de pouvoir accéder au contenu de celui-ci. Une simple demande informelle, sans contrainte n’est pas une réquisition.

Il peut s’agir d’une simple initiative de l’enquêteur

Dans ce cas, la personne gardée à vue n’a aucune obligation de répondre à cette demande.

1.2 Que faire face à une demande informelle de déverrouiller mon téléphone ?

Il n’est pas toujours aisé de déterminer par soi-même les situations dans lesquelles il est possible de refuser de déverrouiller son téléphone. 

Pour cette raison, il est essentiel de bénéficier de l’assistance d’un avocat dès le début de la garde à vue afin que soit choisi une défense adaptée à votre situation. 

Ainsi, nous vous recommandons d’exercer votre droit à demander l’assistance d’un avocat auprès d’un agent de police, puis de garder le silence jusqu’à l’arrivée de votre conseil.

Néanmoins, dans certains cas il peut exister des indices laissant penser que vous n’avez pas à donner votre code de téléphone en garde à vue. 

Notamment, lorsque la personne procédant à la demande n’est pas un magistrat ni un agent de police ou de gendarmerie. Ainsi, un employeur, un vigil, ou tout autre personne qui n’agit pas au nom ou pour le compte de l’autorité judiciaire ne peut pas vous demander de déverrouiller votre téléphone.

Cette demande doit se faire par une réquisition, un acte d’enquête nécessitant un formalisme minimal(mention de l’enquête en cours, contrôle d’un officier de police judiciaire a minima, mention de la sanction précise en cas de refus de répondre à la demande).

Ainsi, il y a des raisons de douter de votre obligation de remettre les codes de votre téléphone en garde à vue lorsqu’un agent vous les demande au cours d’un contrôle d’identité ou dans les couloirs des locaux de garde à vue.

2. En cas de réquisition judiciaire, j’ai l’obligation de déverrouiller mon téléphone

La réquisition est un acte d’enquête qui se distingue de la simple demande informelle.

La réquisition elle est un acte d’enquête obéissant à un cadre légal.

Dans le cadre d’une réquisition, le refus de donner son code de déverrouillage peut constituer une infraction. Par ailleurs, il n’apparait pas pertinent de refuser de communiquer son code dans certaines hypothèses. 

2.1 La réquisition visant à révéler la convention secrète de déchiffrement du téléphone

A la différence de la demande informelle, une réquisition judiciaire est un acte d’enquête soumis à un certain formalisme prévu par le code de procédure pénale.

Elle peut être mise en œuvre uniquement : 

  • Lors d’une enquête préliminaire, par le procureur de la République ou avec son autorisation, par un agent de police.
  • Lors d’une enquête de flagrance, par un officier de police judiciaire informant le procureur de la République.
  • Lors de l’instruction, par le juge de l’instruction ou avec son autorisation, par un agent de police.

Dans ce cas, vous avez l’obligation de communiquer votre code de déverrouillage de votre téléphone portable en garde à vue. 

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2.2 Les conséquences du refus de répondre à la réquisition portant sur le déverrouillage du téléphone

Lorsque la demande de déverrouillage du téléphone est fondée sur une réquisition judiciaire, la personne gardée à vue à l’obligation de fournir son code de déverrouillage,sans quoi il commet une infraction. Il s’agit du cadre actuel entourant le recours à ce procédé, qui n’est pas sans appeler un certain nombre de critiques de la part des avocats. 

Toutefois, il ne peut s’agir d’une simple « demande » mais bien d’une réquisition précisant que l’absence ou le refus d’y répondre constitue une infraction tout en rappelant les peines encourues (Cass. Crim 13 octobre 2020, n° 20-80150).

Mise en garde #1 :
Cette obligation s’applique dès lors que vous avez connaissance du code de déverrouillage d’un téléphone, peu important que vous soyez le propriétaire ou non du téléphone.

Le refus de communiquer le code de déverrouillage d’un téléphone intéressant les enquêteurs est susceptible d’entrer dans la qualification prévue par l’article 434-15-2 du code pénal qui incrimine deux cas de figures :

  • Le refus de communiquer le code de déverrouillage d’un téléphone suspecté d’avoir été utilisé pour préparer, faciliter ou commettre une infraction constitue     un délit passible de 3 ans d’emprisonnement et de 270 000€ d’amende.
  • Lorsque la révélation du code aurait permis d’éviter ou de limiter les effets d’une autre infraction, la peine est aggravée à 5 ans d’emprisonnement et 450     000€ d’amende
Mise en garde #2
L’exploitation des données du téléphone peut être perçu par les enquêteurs comme un acte essentiel à la poursuite des investigations. Pour cette raison, il est nécessaire de comprendre qu’en dépit de votre refus de communiquer les codes de déverrouillage de votre téléphone, il est possible que les agents ne s’arrêtent pas face à cet obstacle.

En effet, les enquêteurs disposent de plusieurs moyens juridiques et techniques pour accéder au contenu du téléphone, notamment en procédant à l’extraction de fichiers ou la duplication du téléphone, leur permettant d’accéder aux données librement.

Par conséquent, la volonté de faire obstacle à l’ouverture du téléphone peut s’avérer vaine, et plus encore, peut vous conduire à commettre une infraction pour avoir refusé de donner le code de déverrouillage.

3. Les critiques concernant le cadre juridique actuel

3.1  La rédaction inadéquate de l’article434-15-2 du code pénal

L’article 434-15-2 du code pénal dispose ainsi que « Est puni de trois ans d'emprisonnement et de270 000 € d'amende le fait, pour quiconque ayant connaissance de la convention secrète de déchiffrement d'un moyen de cryptologie susceptible d'avoir été utilisé pour préparer, faciliter ou commettre un crime ou un délit, de refuser de remettre ladite convention aux autorités judiciaires ou de la mettre en œuvre, sur les réquisitions de ces autorités délivrées en application des titres II et III du livre Ier du code de procédure pénale.

Si le refus est opposé alors que la remise ou la mise en œuvre de la convention aurait permis d'éviter la commission d'un crime ou d'un délit ou d'en limiter les effets, la peine est portée à cinq ans d'emprisonnement et à 450 000 € d'amende. »

Ce texte est critiquable pour 3 raisons :

  • Le texte ne vise pas le déverrouillage d’un outil de communication mais « la convention secrète de déchiffrement d’un moyen de cryptologie». Cette formulation est inadéquate et peu précise. Ainsi, il n’est pas évident de dire si le texte s’applique bien au cas où la personne suspectée d’une infraction refuse de déverrouiller son téléphone. La raison principale tient au fait que le texte a été rédigé quelques mois après les attentats du 11 septembre 2001, dans un contexte de lutte contre le terrorisme. Il est alors apparu nécessaire pour l’autorité judiciaire de pouvoir exploiter certaines données chiffrées, mais il n’est pas certain que le législateur entendait sanctionner la non-communication de son code déverrouillage.
  • Les peines prévues par le texte sont lourdes et incohérentes. La peine prévue pour avoir refusé de donner son code de déverrouillage est de 3 ans d’emprisonnement et 270 000 euros d’amende ou 5 ans et 450 000euros d’amende en cas d’aggravation. De telles peines sont excessives en comparaison de ce qui est prévu en cas de retard ou d’absence de réponse à une réquisition qui n’est sanctionné par aucune peine d’emprisonnement et seulement par 3 750€ d’amende (article 60-1 alinéa 2 du code de procédure pénale).
  • Le « moyen de cryptologie » est utilisé à l’article 132-79 du code pénal qui prévoit une cause d’aggravation générale lorsqu’un moyen de cryptologie a été utilisé pour préparer ou commettre un crime ou un délit. Or,si un téléphone devait être considéré comme un moyen de cryptologie conformément à l’interprétation qui est faite de l’article 434-15-2 du code pénal, il en résulterait que toute personne poursuivie ayant seulement utilisé un téléphone encourrait l’aggravation de l’article 132-79 du code pénal. Fort heureusement et jusqu’à présent, la seule utilisation d’un téléphone ne constitue pas une cause d’aggravation générale, mais l’on peut regretter une différence d’interprétation portant sur les mêmes termes de « moyens de cryptologie », ayant pour effet de créer une nouvelle infraction

3.2  L’amenuisement du contrôle de l’autorité judiciaire

Le délit prévu par l’article 434-15-2 du code pénal ne peut être envisagé à la condition préalable que la demande de déverrouillage résulte d’une réquisition de l’autorité judiciaire.

Si généralement la réquisition sera ordonnée par le procureur de la République (lors de l’enquête préliminaire) ou par le juge de l’instruction (lors de l’instruction),il se peut qu’un officier de police judiciaire y procède de son initiative avant d’en informer à l’issue le procureur de la République (lors d’une enquêtede flagrance). Toutefois, l’autorité judiciaire comprennent les magistrats du parquet et ceux du siège (Cons. const. 11 août 1993) mais les officiers de police judiciaire n'en font pas partie et n’offrent pas des garanties suffisantes à eux seuls permettant de s’assurer que leur réquisition a été faite en considération des droits et libertés de la personne gardée à vue.

Cependant, la Cour de cassation a estimé que l’infraction pouvait être constituée alors même que la réquisition émanait d’un officier de police judiciaire (Cass. Crim., 13 octobre 2020, n° 20-80150). En procédant ainsi, la Cour de cassation s’est détachée de l’interprétation stricte du texte, ce qui a pour conséquence que la personne suspectée pourra être poursuivie pour son refus alors même qu’il n’a pas bénéficier du contrôle a priori de cette demande par un magistrat.

3.3  Les conséquences sur les droits et libertés

Le Conseil constitutionnel s’est prononcé par une décision du 30 mars 2018 portant sur une question prioritaire de constitutionnalité concernant la conformité de l’article 434-15-2 du code pénal à la Constitution.

Il était soulevé par les avocats du requérant que

  • L’usage du terme « quiconque » était d’un emploi général qui ne permettait pas de distinguer les situations selon qu’elles concernent un fournisseur de télécommunications ou le simple utilisateur, pourtant placés dans des situations sensiblement différentes.
  • Une telle infraction conduisait à rendre obligatoire la communication de son code de déverrouillage ce qui a pour conséquence de violer le principe de la présomption d’innocence, les droits de la défense et notamment le droit de se taire.
  • Le texte ne permettait pas d’apporter des garanties suffisantes concernant le respect de la vie privée et le secret des correspondances.

Malgré les moyens pertinents qui ont pu être soulevé, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution l’article 434-15-2 du code pénal, sans formuler de réserve d’interprétation.

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