12
January 2023
Articles
Articles

Exercice illégal de la profession d'expert-comptable

L’accès réglementé à la profession

Si la plupart des professions sont exercées librement, le législateur a décidé que certaines d’entre elles devaient faire l’objet d’une pratique réglementée, en raison de leur importance sociale ou des compétences particulières que leur exercice requiert.

L’activité d’expertise-comptable est réglementée, c’est-à-dire que son activité est encadrée par la loi et autorisée que sous certaines conditions. L’activité est encadrée par l’ordonnance n°45-2138 du 19 septembre 1945 portant institution de l’Ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d’expert-comptable.

Ainsi, l’expertise-comptable est réservée aux experts-comptables inscrits au tableau de l’Ordre. Pour cela, quatre conditions essentielles doivent être remplies :

  • Le diplôme d’expert-comptable. L’accès à la profession d’expert-comptable requiert l’obtention du diplôme d’expert-comptable (DEC).
  • L’inscription au tableau de l’Ordre des experts-comptables. Toute personne qui souhaite s’inscrire doit jouir de ses droits civils, n’avoir subi aucune condamnation criminelle ou correctionnelle, être titulaire du DEC (hormis exceptions) et présenter des garanties de moralité qui sont déterminées par le conseil de l’ordre. Les conseils régionaux s’assurent de la régularité des inscriptions au tableau.
  • La réalisation de 40 heures de formation continue par an.
  • Disposer d’une assurance responsabilité civile professionnelle.

L’expert-comptable doit également signer une lettre de mission qui l’engage contractuellement avec chacun de ses clients. La lettre de mission définit les obligations et prestations que l’expert-comptable s’engage à fournir.

 

Focus #1 : Qu’est-ce que l’Ordre des experts-comptables ?
L’Ordre des experts-comptables, placé sous la tutelle du ministère de l’Économie et des Finances, a été créé par l’ordonnance de 1945. Il s’assure notamment du respect des obligations déontologiques par les cabinets d’expertise comptable et définit les normes que ceux-ci doivent appliquer.
Le Conseil supérieur de l’Ordre assure par ailleurs la représentation du métier d’expert-comptable, notamment auprès des pouvoirs publics. 
L’Ordre est à distinguer des chambres régionales de discipline, instituées auprès de chaque Conseil régional de l’Ordre, et qui sanctionnent les manquements des experts-comptables à leurs obligations légales et déontologiques.

II. Les activités réglementées

L’ordonnance de 1945 définit les missions auxquelles s’adonne l’expert-comptable. Ainsi, l’expert-comptable est le seul qui peut exercer les activités suivantes :

« Est expert-comptable ou réviseur comptable au sens de la présente ordonnance celui qui fait profession habituelle de réviser et d'apprécier les comptabilités des entreprises et organismes auxquels il n'est pas lié par un contrat de travail. Il est également habilité à attester la régularité et la sincérité des bilans et des comptes de résultats.

L'expert-comptable fait aussi profession de tenir, centraliser, ouvrir, arrêter, surveiller, redresser et consolider les comptabilités des entreprises et organismes auxquels il n'est pas lié par un contrat de travail.

L'expert-comptable peut aussi organiser les comptabilités et analyser par les procédés de la technique comptable la situation et le fonctionnement des entreprises et organismes sous leurs différents aspects économique, juridique et financier. »

III. Les obligations dans l’exercice de la profession

De plus, l’activité d’expertise-comptable est soumise à un Code de déontologie entré en vigueur par un décret du 27 septembre 2007 et intégré dans le décret n°2012-432 du 30 mars 2012, second texte majeur qui réglemente la profession, aux articles 142 à 169.

Le Code contient quatre chapitres.

  • Le premier chapitre porte sur les devoirs généraux de tout expert-comptable : conscience, indépendance, science, secret professionnel et devoir de discrétion
  • Le second chapitre se concentre sur le devoir d’information et de conseil auprès des clients, et fixe le principe de liberté dans la fixation des honoraires.
  • Le troisième chapitre évoque le devoir de confraternité entre experts-comptables.
  • Le quatrième aborde les devoirs de tout expert-comptable envers l’ordre, notamment l’obligation d’informer de toute procédure judiciaire à son encontre ou de l’usage du droit de rétention, qui consiste à retenir des documents d’un client lorsque celui-ci ne s’acquitte pas de ses frais d’honoraires.

 IV. Qu’est-ce que l’exercice illégal de la profession ?

Selon l’ordonnance de 1945, exerce illégalement l’activité d’expert-comptable celui qui exerce la profession d’expert-comptable en son propre nom et sous sa responsabilité sans être régulièrement inscrit au tableau de l’ordre des experts-comptables. Il s’agit du délit d’exercice illégal de la profession d’expert-comptable. Les risques encourus pour la personne qui exercerait illégalement cette profession sont importants. 

Le juge pénal doit vérifier si les activités en cause relèvent bien des activités réglementées et révérées aux experts-comptables. Ainsi, il convient de détecter si « les tâches effectuées par les prévenus (ne consistent), non pas en une simple saisie des pièces comptables, mais en des prestations intellectuelles requérant une analyse et une technicité comptable relevant des travaux protégés par l’Ordonnance de 45. » (CA Lyon 12 janvier 2010 n°08/07626)

La jurisprudence a également relevé que la « saisie informatique relève de la tenue comptable, dès lors qu’elle ne constitue pas une simple opération informatique mais nécessite une démarche intellectuelle consistant à tenir une comptabilité par la nécessaire qualification comptable des opérations et l’affectation dans une ligne comptable d’une dépense intervenue » (CA Paris, 27 mai 2016, n°14/04007)

L’exercice illégal de cette profession est caractéristique de l’usurpation de titre, diplôme ou qualité, infraction définie à l’article 433-17 du Code pénal :

« L'usage, sans droit, d'un titre attaché à une profession réglementée par l'autorité publique ou d'un diplôme officiel ou d'une qualité dont les conditions d'attribution sont fixées par l'autorité publique »

Ce délit fait partie des infractions contre l’autorité de l’État puisque lui seul est habilité à délivrer de tels titres ou diplômes.

V. Quels sont les éléments constitutifs de l’usurpation de titre, diplôme ou qualité ?

Trois éléments constitutifs doivent être réunis pour qualifier l’infraction :

  • Un titre, un diplôme ou une qualité
  • L’usage de ce titre, diplôme ou de cette qualité en l’absence de droit
  • L’intention coupable

A. Le titre ou diplôme

L’article 433-17 du code pénal vise de nombreuses professions, pas uniquement celle d’expert-comptable : ainsi, sont réglementées les professions de magistrat, officier civil, militaire, personne investie d’un mandat électif, vétérinaire, pharmacien, etc.

B. L’usage sans droit de ce titre ou diplôme

L’usage, la pratique irrégulière, doit être caractérisée. Il faut démontrer que l’auteur des faits a fait usage du titre ou diplôme usurpé, par exemple en l’inscrivant dans les entêtes des correspondances et courriels, en le mentionnant sur un Site internet ou simplement en l’évoquant de manière verbale.

Le juge pénal vérifie de plus l’absence de légalité du diplôme ou titre dont l’expert-comptable fait usage. Le juge pénal ne vérifie en principe pas la régularité de la décision administrative d’attribution du titre, hormis si de cet examen dépend la solution du procès pénal, conformément à l’article 111-5 du Code pénal.

C. L’intention coupable

L’exercice illégal de la profession d'expert-comptable étant un délit, il faut démontrer son intention coupable. Ainsi, le juge pénal recherche si l’intéressé a conscience de l’illégalité de son titre ou diplôme, mais agit en dépit de.

VI. Comment la responsabilité pénale de l’expert-comptable illégal est-elle engagée ?

Les experts-comptables exercent soit en leur nom propre à titre individuel, soit en qualité de salarié d’un autre expert-comptable, soit au sein d’une association de gestion et de comptabilité, soit au sein d’une société d’expertise comptable. L’exercice illégal est uniquement caractérisé lorsque l’expert-comptable a agi en son nom propre : il n’est donc pas salarié d’un autre expert-comptable ou d’une entreprise d’expertise-comptable.

Dès lors, est engagée à la fois la responsabilité pénale de l’expert-comptable, personne physique et la responsabilité pénale de la société, personne morale qui est au nom de l’expert-comptable.

Par exemple, le tribunal correctionnel de Créteil a condamné le 15 novembre 2021 un couple d’experts-comptables illégaux à une peine de 10 mois d’emprisonnement avec sursis et 5 000€ d’amende, ainsi qu’à l’interdiction d’exercer des activités comptables et l’interdiction de gérer pendant 5 ans. Le tribunal a également retenu la responsabilité de la société, qui a été condamnée à une amende de 7 000€. Ils ont de plus été soumis à l’obligation de verser des dommages-intérêts à l’ordre des experts-comptables d’un montant de 3 000€.

VII. Quelles sanctions pénales encourues ?

En vertu de l’article 433-17 du Code pénal, l’expert-comptable, personne physique, qui exerce son activité de manière illégale encourt une peine d’emprisonnement d’un an et 15 000 euros d’amende. 

L’entreprise qui a fait appel à un expert-comptable qui exerce illégalement sa profession est également soumise à un risque civil et pénal. Sur le plan civil, si l’administration fiscale détecte des erreurs dans la comptabilité effectuée, elle peut exiger un redressement fiscal et des intérêts ou pénalités en raison des retards de paiement. L’expert-comptable, en tant que responsable des manquements, doit prendre en charge les intérêts et pénalités imposées par l’administration. En revanche, il revient tout de même à l’entreprise de s’acquitter de ces montants impayés.

L’entreprise encourt également un risque pénal. En effet, si elle avait conscience de l’illégalité de l’expert-comptable mais l’a volontairement employé, elle peut être désignée co-auteur ou complice et encourt alors les mêmes peines que l’auteur principal.

L’auteur des faits encourt de plus des peines complémentaires définies à l’article 433-22 du Code pénal. Elles comprennent :

  • L’interdiction des droits civiques, civils et de famille
  • L’interdiction définitive ou pour un maximum de dix ans d’exercer l’activité d’expert-comptable
  • La diffusion de la décision pénale prononcée

Il encourt également des peines complémentaires définies à l’article 131-6 alinéa 10 du Code pénal. Il peut ainsi subir la confiscation de l’objet ayant servi à réaliser l’infraction, c’est-à-dire les documents qui attestent de faux titres notamment.

Enfin, la société au nom de l’expert-comptable encourt les peines prévues pour les personnes morales. Ainsi, conformément à l’article 433-25 du Code pénal, elle peut subir :

  • Une amende de 75 000 €
  • Diverses peines prévues à l’article 131-39 du Code pénal telles que l’interdiction d’exercer l’activité d’expertise-comptable, la fermeture de l’établissement, l’interdiction d’émettre des chèques ou d’utiliser des cartes de paiement
  • La confiscation des biens ayant servi à commettre l’infraction et la diffusion de la décision, tout comme les personnes physiques

Enfin, il convient de noter que l’exercice illégal de l’activité d’expertise-comptable peut être constitutive d’autres infractions.

C’est le cas du délit d’escroquerie, défini à l’article 313-1 du Code pénal. Ainsi, l’usurpation du titre d’expert-comptable relève de l’escroquerie si elle permet à l’auteur des faits d’obtenir la remise de sommes d’argent, au préjudice d’un tiers.

L’usurpation de titre, diplôme ou qualité peut alors être écartée au profit du délit d’escroquerie (Cass. crim., 8 févr. 1995, n° 94-80.960). L’auteur des faits encourt alors une peine plus importante puisqu’elle s’élève à 5 ans d’emprisonnement et 375 000€ d’amende.

sign
Envie d'aller plus loin ? Contactez-nous

Nous sommes impatients de vous rencontrer afin de vous apporter des solutions adaptées à votre situation pénale.

Merci pour votre message, nous allons revenir vers vous très prochainement.
Un souci vient de se produire, veuillez renouveler l'opération.
sign
Contact us for further information

We look forward to meeting you and providing you with solutions tailored to your criminal situation.

Thank you for your message, we will get back to you very soon.
A problem has occurred, please try again.