Actu du K
2
January 2023

Harcèlement au travail : définition, responsabilité et sanctions

Harcèlement au travail : définition, responsabilité et sanctions

Le harcèlement moral au travail a longtemps été considéré comme un sujet tabou ou ignoré dans le monde de l’entreprise. Pourtant, trois salariés sur dix seraient victimes de harcèlement moral au travail. Le harcèlement constitue une violence au travail et une réelle problématique sociale qui nécessite une attention particulière.

En conséquence, il est important de définir le harcèlement, avant d’envisager les solutions pouvant être mise en place pour prévenir ou mettre fin au harcèlement.

1. Qu’est-ce que le harcèlement ?

La personne victime de harcèlement sexuel ou moral commis dans le cadre professionnel a la particularité de faire l’objet d’une protection tant par le juge pénal que par le droit du travail.

A. La protection par le droit pénal 

a) Qu’est- ce que l’infraction de harcèlement moral ?

Le harcèlement moral est un comportement anti-social qui a pour effet de porter atteinte à l’intégrité physique et mentale d’une personne, pour cette raison ces faits sont constitutifs d’une infraction à la loi pénale.

Ainsi, l’article 222-33-2 du code pénal réprime le harcèlement moral commis dans le cadre professionnel qu’il définit ainsi :

« Le fait de harceler autrui par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel »

Les agissements constitutifs du harcèlement sont autant les propos que de tout autre comportement, ce qui en fait une définition relativement large. Il peut ainsi s’agir d’un comportement principalement verbal, ils peuvent également s’agir de propos par écrit (notamment par courriel).

Concrètement, ces comportements de harcèlement peuvent résider dans le dénigrement, les brimades, la critique, les humiliations publiques, des tâches confiées inadaptées, la pression disciplinaire et managériale.

Le harcèlement peut provenir de tout membre de l’entreprise, qu’il s’agisse d’un autre salarié ou d’un supérieur hiérarchique de l’employé victime de harcèlement. 

Également, il sera nécessaire de constater une répétition de ces actes. Sur ce point, la jurisprudence a pu préciser qu’il pouvait s’agir soit de la répétition du même type d’acte, mais également d’actes différents.

Outre le critère de répétition, le harcèlement s’apprécie en grande partie au regard de ses effets :

  • Une dégradation morales ou des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité
  • Une altération de la santé physique ou mentale
  • Une compromission de l’avenir professionnel.
Mise en garde #1: Le texte précise « ayant pour objet ou pour effet », ce qui emporte une double conséquence.Il n’est pas nécessaire que les effets néfastes se soient concrètement produits dès lors qu’ils ont seulement été souhaités par l’auteur. Si les effets se sont produits, il n’importe pas que l’auteur les ait souhaités dès lors qu’il a simplement eu la volonté de ses agissements, même s’il ne s’est pas interrogé sur les conséquences qui pourraient en résulter.

 

b) Quelle est la sanction pénale du harcèlement moral ?

Toute personne victime de harcèlement moral peut porter plainte. En effet, la personne coupable de harcèlement encourt une peine de 2 ans d’emprisonnement et de 30 000€ d’amende. Les peines sont encourues par l’auteur du harcèlement, les coauteurs ainsi que toute personne qui s’en rend complice dans les conditions de l’article 121-7 du code pénal.

c) Existe-t-il d’autres infractions pouvant réprimé le harcèlement ?

i. Les autres formes de harcèlement

Il existe plusieurs types de harcèlement.

L’article 222-33-2-2 du code pénal prévoit une forme de harcèlement ayant vocation à s’appliquer de façon générale. Il n’est donc pas exclu qu’elle puisse s’appliquer également dans une relation de travail.

Néanmoins, il existe deux différences notables :

  • L’incrimination générale est bien plus simple à mettre en œuvre puisqu’elle comporte un tempérament à l’exigence de répétition du comportement de harcèlement. Ainsi, la répétition peut provenir aussi bien d’une personne, que de deux personnes différentes dès lors que la seconde agit sur instigation de la première ou tout simplement en connaissance du contexte de harcèlement et du fait que leur comportement agirait en répétition.
  • La peine est inférieure, abaissée à 1 an d’emprisonnement et 15 000€ d’amende. Cependant, elle peut être aggravée à 2 ans d'emprisonnement et 30 000€ d’amende, rejoignant ainsi la peine du harcèlement moral dans une relation de travail. La vulnérabilité de la personne, la gravité de l’atteinte et le recours à internet sont notamment des causes d’aggravations susceptibles d’entrer en cause dans une relation professionnelle.

Également, le harcèlement sexuel est constitutif d’une infraction définie par l’article 222-33 du code pénal. Il s’agit d’une infraction qui n’est pas spécifique à la relation professionnelle mais qui peut intervenir dans ce cadre.

Elle s’applique à deux situations distinctes :

  • En cas de propos ou comportements, répétés et imposés à une personne et qui porte atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant ou créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.En précisant que la répétition peut provenir aussi bien d’une personne, que de deux personnes différentes dès lors que la seconde agit sur instigation de la première ou tout simplement en connaissance du contexte de harcèlement et du fait que leur comportement agirait en répétition.
  • En cas de pression grave dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers, même en présence d’un acte unique.

Les peines encourues pour ces infractions sont de 2 ans d’emprisonnement et 30 000€ d’amende. La peine peut être aggravée à 3 ans d’emprisonnement et 45 000€ d’amende, notamment en cas de vulnérabilité de la personne ou de recours à l’usage d’internet.

ii. Les autres comportements satellites au harcèlement

Tout comportement volontaire ayant pour conséquence une atteinte à l’intégrité physique et psychologique d’une personne peut être constitutif d’une violence.

L’article 222-14-3 du code pénal précise que les violences sont réprimées quelle que soit leur nature, y compris s'il s'agit de violences psychologiques. Ainsi, les mêmes peines sont encourues que pour les violences physiques, dans les conditions des articles 222-7 à 222-16-3 du code pénal.

Également, la provocation au suicide, lorsqu’elle conduit à l’acte suicidaire ou sa tentative, est réprimé par 3 ans d’emprisonnement et 45 000€ d’amende comme le prévoit l’article 223-13 du code pénal.

Enfin de façon plus résiduelle et dans les cas les moins graves, l’injure et la diffamation sont réprimés par une contravention de première classe comme le prévoient les articles R621-1 et R621-2 du code pénal.

B.    La protection par le droit du travail

En dehors de la protection de la personne humaine organisée par le droit pénal, le harcèlement moral est également constitutif d’une faute professionnelle sanctionnée par le droit du travail. Par ailleurs, le salarié victime du harcèlement moral doit également faire l’objet d’une protection particulière.

L’article L1152-1 du Code du travail est clair :

« Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. ».

Ainsi, trois conditions doivent être réunies pour caractériser le harcèlement : la répétition, au moins deux fois, d’actes qui viennent dégrader les conditions de travail et sont susceptibles de porter atteinte à la dignité, la santé ou l’avenir du salarié. La charge de la preuve ne pèse ni entièrement sur le salarié ni sur l’employeur. Le salarié doit apporter des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. A charge alors pour l’employeur de le réfuter. 

L’article L1152-2 du code du travail ajoute :

« Aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés. ».

Enfin, l'article L1152-2 du code du travail précise que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance de ces dispositions encourt la nullité. 

2. Que faire pour réagir face au harcèlement ?

Pour lutter contre le harcèlement professionnel, il est en premier lieu nécessaire de mettre en place des dispositions visant à prévenir sa survenance, il est ensuite nécessaire de détecter les situations de harcèlement moral ou sexuel, puis d’y mettre fin.

A. Les acteurs de la prévention du harcèlement professionnel

De manière générale, l’employeur doit prendre des dispositions nécessaires à s’assurer de la santé physique et mentale ainsi que de la sécurité de ses employés. La prévention des risques psychosociaux est une composante de l’obligation de sécurité et de santé que l’employeur détient à l’égard de ses salariés. Ainsi, l’employeur doit veiller à prévenir le harcèlement en milieu de travail. 

En raison de cette mission, il doit également faire en sorte d’empêcher toutes situations de harcèlement au sein de son établissement. Il se doit de mettre en œuvre tous les moyens nécessaires pour empêcher la réalisation du risque en adoptant des mesures préventives, notamment par l’organisation de ses équipes et la prise de mesures de sensibilisation à ce risque.

Les représentants du personnel opèrent également un rôle dans la prévention et la lutte contre le harcèlement professionnel. Notamment, cette fonction entre dans les attributions générales du comité social et économique qui dispose d’un pouvoir de proposition d’actions dans la prévention du risque de harcèlement.

Enfin, le médecin du travail peut conseiller les employeurs ainsi que les travailleurs sur les mesures de prévention du harcèlement.

B. Détecter la situation de harcèlement

Les trois acteurs précédemment évoqués peuvent, dans le cadre de leur mission de prévention, prendre connaissance d’une situation de harcèlement existante.

De plus, le comité social et économique ou la délégation du personnel disposent d’un droit d’alerte dès lors qu’ils ont connaissance d’actes de harcèlement moral. 

Enfin, tout salarié qui détecte des cas de harcèlement moral ou sexuel dispose du droit de dénoncer ces comportements, qu’il soit victime ou témoin, il est nécessaire qu’il puisse alerter sur la situation en bénéficiant d’une protection spécifique. Un salarié qui subit une sanction disciplinaire après avoir dénoncé un fait de harcèlement peut ainsi obtenir la nullité de la mesure mise en place. 

C. Mettre fin à la situation de harcèlement

L’employeur qui a connaissance de la situation de harcèlement doit y mettre fin dans les plus brefs délais. S’il n’y procède pas, il manque à sa mission de veiller à la sécurité et la santé de ses salariés et risque d’engager sa responsabilité. 

Il peut notamment recourir à une médiation entre la personne harcelée et son agresseur pour entamer une discussion et tenter de mettre fin à la situation.

Lorsque la médiation n’est pas envisagée ou lorsqu’elle a été infructueuse, l’employeur doit procéder à des sanctions disciplinaires contre l’auteur du harcèlement et veiller à prendre des mesures d’organisation du travail permettant de s’assurer que la situation de harcèlement prenne fin.

En effet, tout harceleur commet une faute grave lorsqu’il réalise des actes de harcèlement sexuel ou moral. Cette faute grave doit être inscrite dans le règlement intérieur de l’entreprise et peut constituer une cause réelle et sérieuse d’un licenciement disciplinaire. 

Toutefois, il arrive dans certaines situations que soit constaté une inertie de l’employeur ne réagissant pas de façon efficace à la situation. L’employeur peut aussi être mis en cause dans la situation de harcèlement pour manquement à son obligation de sécurité envers ses salariés. 

Dans ces situations, il peut être nécessaire de recourir à la saisine d’un juge pour faire cesser le harcèlement. 

Le salarié peut ainsi procéder à la saisine du conseil de prud’hommes pour tout contentieux relatif à la rupture de son contrat de travail en raison des faits de harcèlement qu’il a subi.

Ces comportements étant également de nature délictuelle, il peut être procéder à la poursuite pénale de ces faits. Le salarié peut ainsi déposer plainte pour harcèlement moral ou sexuel au commissariat ou directement par lettre recommandée au procureur de la République.

Également, les représentants du personnel ou tout autre salarié peut procéder à la dénonciation de ces faits, le procureur de la République étant maître de l’action publique, il peut décider librement de poursuivre les faits même en l’absence d’une plainte déposée par la victime de ces agissements.

Articles similaires