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March 2023
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La justice pénale négociée

La justice pénale négociée, dont l’usage tend à se développer en France, est largement inspirée du modèle anglo-saxon, et plus particulièrement du modèle américain. 

Le Deferred Prosecution Agreement, instauré dans les années 1970, permet au procureur américain d’entrer en négociation avec des entreprises soupçonnés d’avoir commis des infractions économiques. Au cours d’une période probatoire, la société est tenue d’exécuter une série d’obligations fixées par le procureur.

Ce modèle de justice négociée a inspiré plusieurs autres pays à adopter des mécanismes similaires, dans un objectif de traitement rapide de la délinquance économique et de coopération internationale et avec les entreprises. En France, c’est avec la loi Sapin 2 de 2016 qu’une telle procédure de négociation avec les entreprises est née.

Pour les personnes physiques, la célèbre procédure du plaider-coupable (« plea bargaining »), massivement utilisée aux États-Unis, a également été adoptée en France, notamment dans l’objectif de désengorger les tribunaux. La culture judiciaire française n’a cependant pas permis à cette procédure de se développer avec autant de force qu’aux États-Unis, et le législateur l’a entourée d’un certain nombre de garanties pour éviter les écueils observés outre-Atlantique.

La création du parquet national financier (PNF) en France en 2013 a donné un regain d’intérêt à la justice pénale négociée en matière de délinquance économique.

I. La comparution avec reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC)

A. La naissance de la CRPC

Déjà utilisée par les systèmes anglo-saxons, une procédure similaire au plaider-coupable a été adoptée en France par la loi du 9 mars 2004, puis son champ d’application a été étendu en 2011.

La procédure de comparution avec reconnaissance préalable de culpabilité avait pour intérêt de désengorger les tribunaux, puisqu’elle permet aux juridictions d’éviter une audience d’examen du dossier et de juger rapidement l’auteur des faits qui reconnait les avoir commis.

Au 1er trimestre 2022, les ordonnances de CRPC représentaient 16% des décisions pénales.

B. Comment fonctionne une CRPC ?

Dans le cadre d’une procédure de CRPC, le procureur de la République propose une peine à l’auteur de l’infraction, qui doit être majeur et reconnaître avoir commis les faits.

À l’exception des délits de presse et politiques, tous les délits peuvent faire l’objet d’une CRPC.

La peine proposée peut notamment être une peine d’emprisonnement, pour une durée maximale de trois ans, ou d’amende, dont le montant ne peut être supérieur à celui de l’amende encourue et doit tenir compte des charges et des revenus de la personne.

Attention, la peine est par principe inscrite au casier judiciaire B2. Si l’auteur ne souhaite pas de mention à son casier, il doit le demander au procureur, qui n’est pas tenu d’accepter.

Une fois la peine acceptée, celle-ci est présentée au tribunal pour homologation. En cas de refus d’homologation, ou si l’auteur refuse la peine, le procureur peut engager les poursuites.

S’agissant de la victime, elle doit être informée de la mise en œuvre de la procédure de CRPC. Elle ne peut s’y opposer, mais elle garde son droit d’obtenir une indemnisation si elle se constitue partie civile.

C. Quels sont vos droits si vous êtes convoqué pour une CRPC ?

Toute personne faisant l’objet d’une CRPC est tenue d’être assistée et conseillée par un avocat, qui doit pouvoir disposer d’un accès au dossier. Elle peut s’entretenir avec son avocat, sans la présence du procureur, pour discuter de l’opportunité d’accepter ou non la peine qui lui est proposée.  

Au moment de la proposition de la peine, elle peut également demander à bénéficier d’un délai de 10 jours. 

Elle peut enfin toujours refuser la peine proposée si elle estime qu’elle est disproportionnée et souhaite être entendue par une juridiction de jugement.

II. La convention judiciaire d’intérêt public

La convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) est un accord conclu entre le procureur de la République et une personne morale mise en cause pour des faits d’atteinte à la probité.

Pour le moment, les CJIP conclues avec les autorités judiciaires françaises concernent principalement des grands groupes (Morgan Chase Bank, McDonalds, LVMH, etc.), pour des montants d’amende compris entre 1,4 millions et plus de 2 milliards d’euros.

A. La naissance de la CJIP

La CJIP correspond à l’équivalent du Deferred Prosecution Agreement (DPA) aux États-Unis, et est plus largement inspirée de dispositifs similaires instaurés dans les pays du Common Law.

Créée par la loi du 9 décembre 2016, aussi connue sous le nom de loi Sapin 2, l’adoption de cette procédure en France répondait à plusieurs objectifs.

D’abord, les autorités étrangères qui disposaient de telles mécanismes de justice négociée, notamment les États-Unis, avaient recours au principe d’extraterritorialité, et poursuivaient des entreprises dont le lien était plus que ténu avec leur pays. L’instauration de la CJIP a ainsi permis d’accroître la coopération de la justice française avec les autorités étrangères et d’éviter qu’une même entreprise soit condamnée plusieurs fois pour les mêmes faits. 

Ensuite, cette procédure permet aux entreprises d’éviter une procédure judiciaire classique, longue et coûteuse, mais également de réduire l’aléa juridique intrinsèque aux procédures classiques.

Initialement réservée aux infractions de manquements au devoir de probité (corruption, trafic d’influence, blanchiment, fraude fiscale et infractions assimilées), la procédure a récemment été ouverte aux infractions commises en matière environnementale. 

B. Comment fonctionne une procédure de CJIP ?

La CJIP ne peut être proposée qu’à des personnes morales, et n’est pas disponible pour les dirigeants d’entreprises mises en cause.

Une personne morale soumise à une CJIP peut être condamnée à plusieurs types de mesures cumulatives :

  • Versement d’une amende d’intérêt public à l’Etat, dont le montant ne peut excéder 30% du chiffre d’affaires moyen annuel ;
  • Mise en œuvre, sous le contrôle de l’Agence française anti-corruption, d’un programme de mise en conformité de ses procédures de prévention et de lutte contre la corruption, pour une durée maximale de 3 ans ;
  • Réparation du dommage de la victime.

En cas d’accord entre le Ministère public et la personne morale, la CJIP doit fait l’objet d’une validation par un jugement à l’occasion d’une audience publique.

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C. Quelle est la CJIP avec le montant d’amende le plus élevé jamais prononcé ?

Pour le moment, le montant d’amende le plus élevé a été proposé et accepté dans le cadre d’une CJIP signée avec la société Airbus et validée le 29 janvier 2020.

Dans cette affaire de corruption d’agent public étranger et de corruption privée dans le cadre de contrats de vente d’avions civils et de satellites conclus par des entités du groupe Airbus de 2004 à 2016, l’amende convenue a été fixée à 2 083 137 455 €.

Le PNF, le Serious Fraud Office (SFO) britannique et le Department of Justice (DoJ) américain ont mené une enquête commune. Le groupe a ainsi également été condamné à verser une amende de 983 974 311 euros aux autorités britanniques et une amende de 525 655 000 euros au Trésor des Etats-Unis.

Pourquoi un montant aussi élevé ?

Le montant de l’amende prononcée à l’occasion d’une CJIP doit être proportionnel aux avantages tirés des infractions commises, en l’espèce chiffrés à 1 053 377 113 €.

Le procureur de la République prend ensuite en compte des facteurs majorants : ici, le caractère répété des manquements sur une période très longue avec la conclusion de contrats sans liens entre eux, la circonstance que l’infraction commise revêtait la qualification de corruption d’agents publics, et l’utilisation des ressources d’Airbus pour dissimuler les manquements.

En revanche, à l’inverse, il existe également des facteurs permettant de minorer le montant de l’amende. En l’occurrence, le niveau de coopération d’Airbus avec les autorités judiciaire, la conduite d’une enquête interne approfondie et la mise en œuvre de mesures de conformité correctives ont permis de revoir à la baisse le montant de l’amende qui aurait pu être proposée.

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