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November 2022
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Le parquet national financier et la criminalité financière

Le parquet national financier est une institution judiciaire créée par la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière. Sa création s’inscrit dans un contexte de lutte contre les infractions à la probité. Ainsi, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique a été instituée par la loi du 17 décembre 2013, puis l’office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales a été créé par le décret du 25 octobre 2013. Le parquet national financier (PNF), lui, a été mis en place le 1er février 2014. Il est rattaché au Tribunal judiciaire de Paris.

1. Pour quelles infractions le parquet national financier est-il compétent ?

Le PNF dispose d’une compétence d’attribution résultant de la loi du 6 décembre 2013. L’article 705 du Code de procédure pénale définit ainsi les infractions pour lesquelles il est compétent, concurremment avec les autres parquets, les juridictions spécialisées (JIRS), le juge d’instruction et le tribunal correctionnel de Paris.

Le PNF est spécialisé et sa compétence se concentre sur trois types d’infractions : les délits boursiers, les atteintes à la probité et la fraude fiscale.  Le PNF se concentre sur les affaires qui impliquent une grande complexité, avec souvent des millions d’euro impliqués, un grand nombre d’auteurs, complices et victimes, ou qui s’étendent à une échelle nationale et internationale.  Le PNF a en effet une compétence nationale et prend en charge des affaires qui s’étendent au niveau national, européen et international.

A. Les délits boursiers

Le PNF enquête sur des délits d’initié, des manipulations des cours, ou encore des diffusions d’informations trompeuses à propos des marchés financiers. Ces infractions représentent la plus faible part des enquêtes du PNF, moins de 10% d’entre elles.

B. Les atteintes à la probité

Les atteintes à la probité sont des atteintes à la Justice et à la Morale. Il s’agit principalement des infractions dans lesquelles une personne exploite abusivement des prérogatives dont elle dispose dans le cadre de ses fonctions. Les atteintes à la probité regroupent essentiellement les infractions de corruption, le trafic d’influence, le favoritisme, le détournement de fonds publics, et la prise illégale d’intérêts. Le PNF est saisi pour des atteintes à la probité effectuées par des agents ou personnes morales dont la mise en cause est susceptible d’avoir d'importantes répercussions, nationales et internationales, économiques et financières.

 C. La fraude fiscale complexe

Le PNF est compétent pour l'escroquerie à la TVA, pour les montages financiers complexes, la fraude fiscale effectuée via des paradis fiscaux ou via de multiples sociétés, sociétés écrans et fiducies, les affaires de blanchiment complexe, et toute affaire de fraude fiscale en bande organisée ou à l’échelle internationale. Le PNF ouvre des enquêtes qui relèvent de la fiscalité personnelle ou professionnelle, de personnes morales ou physiques.

Le PNF a enfin vu ses compétences s’élargir par la loi du 24 décembre 2019 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée. Il peut ainsi être saisi d’infractions en matière de concurrence relevant de l’article L. 420-6 du Code de commerce. Le droit de la concurrence relevait jusqu’alors du monopole de l’Autorité de la concurrence. L’élargissement des compétences du PNF permet d’apporter donc une répression pénale en matière de concurrence.

Focus #1 Quelle différence avec l’Autorité des Marchés Financiers ?
L’AMF est une autorité publique indépendante qui veille au bon fonctionnement des marchés financiers et aux produits d’épargne. Elle est compétente pour les délits boursiers que sont la fausse information, la manipulation des cours et le délit d’initié. Elle effectue alors une enquête et prononce des sanctions administratives, qui sont pécuniaires ou disciplinaires. L’AMF prend ainsi en charge le contentieux administratif et le PNF celui pénal. Le PNF limite son intervention aux affaires les plus graves, qui doivent faire l’objet d’une répression pénale. Les deux autorités agissent de façon concertée pour répartir entre elles les dossiers. Le PNF n’est pas un doublon de l’AMF. Il s’avère utile pour les affaires dans lesquelles l’AMF n’a pas engagé de poursuites. Il dispose également de ses propres moyens d’enquête et de ses sources d’information.

2. Comment le Parquet National Financier est-il composé ?

Le PNF est composé de 18 magistrats de l’ordre judiciaire. La volonté d’en faire une institution spécialisée et autonome a conduit à l’ouverture d’une 3chambre correctionnelle qui ne traite que des dossiers relevant du PNF.

Deux critiques sont régulièrement adressées au PNF : le manque de moyens humains et le manque d’expertise pour traiter le contentieux boursier et fiscal, dont la complexité ne cesse de croître. Le PNF s’est donc agrandi et comprend 7 assistants spécialisés en matière de fiscalité, de droit boursier, de comptabilité, etc. Également, il travaille régulièrement avec d’autres institutions spécialisées telles que l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales, la brigade financière et la brigade de répression de la délinquance économique de la préfecture de Paris.

Puisqu’il est compétent pour les enquêtes internationales, le PNF travaille également avec les juridictions étrangères. Néanmoins, en dehors des pays de l’Union européenne, les transmissions d’informations s’effectuent par voie diplomatique et sont plus ou moins aisées selon les pays.

#Focus 2 : Qui est le premier procureur de la République financier ? 
Jean-François Bonhert est l’actuel procureur de la République financier, depuis octobre 2019. Avant d’occuper ce poste, il était substitut du procureur au Tribunal de Grande Instance de Strasbourg, puis avocat général de la Cour d’appel de Bourges, procureur de la République du Tribunal de Grande Instance de Rouen et procureur général de la Cour d’appel de Reims. Il a également été magistrat de liaison français pour l’Allemagne. 
Eliane Houlette a été la première procureure de la République financier de 2014 à 2019. D’abord juge pour enfant, elle a ensuite consacré sa vie au Ministère public. Elle a été substitut du procureur, substitut du procureur général à la Cour d’appel de Paris, et avocat général. 

3. Comment saisir le Parquet National Financier ?

Le PNF est avant tout saisi par les procureurs de juridictions qui l’informent de toute enquête ou signalements susceptibles de relever de sa compétence. Les dossiers lui sont également transmis par d’autres autorités publiques, comme la Direction générale des finances publiques, l’AMF et la Cour des comptes. Près des trois quarts des procédures sont ouvertes en 2020 par le biais d’autres parquets ou d’autres autorités publiques. Enfin, il peut être saisi par tout fonctionnaire, particulier, association ou entreprise par l’envoi d’une lettre qui détaille les faits. Tout justiciable peut ainsi saisir le PNF. 

Le nombre de saisines ne cesse d’augmenter, puisqu’il est passé de 108 lors de sa création à 513 en 2020. Les enquêtes sont majoritairement ouvertes pour des atteintes à la probité et des infractions de fraude fiscale complexe.

Avant la loi relative à la lutte contre la fraude du 23 octobre 2018, les poursuites pour fraude fiscale ne pouvaient être déclenchées que par une plainte préalable de l’administration fiscale. On appelait cela le « verrou de Bercy ». La loi du 23 octobre 2018 relative à la fraude fiscale a rendu obligatoire le dépôt d’une plainte de l’administration fiscale dès lors que certains critères sont remplis : si l’administration fiscale constate une irrégularité ayant entraîné une majoration de l’impôt dû par le contribuable, elle doit informer le parquet de tous manquements sur des droits supérieurs à 100 000 euros. Cette somme est réduite à 50 000 euros pour les contribuables soumis aux obligations de la vie politique (par exemple, les parlementaires). 

4. Comment se déroulent l’enquête et le jugement ?

Une critique régulièrement adressée au PNF est le délai d’enquête et de jugement dont il fait preuve. Pour y pallier, il privilégie l’enquête préliminaire face à l’ouverture d’une information judiciaire. Les enquêtes préliminaires représentent ainsi 84% des procédures en cours en 2020. L’enquête préliminaire est menée par les services de police et pilotée par le procureur, quand l’information judiciaire est à la charge du juge d’instruction. Ainsi, les magistrats du PNF se saisissent de l’enquête, font procéder par eux-mêmes à tous les actes utiles à l’enquête, puis classent le dossier ou le défèrent au tribunal correctionnel pour qu’il soit jugé.

La prépondérance des enquêtes préliminaires pose la question du contradictoire. Les droits de la défense ont ainsi été renforcés par les articles 77-2 à 77-4 du Code de procédure pénale. Le PNF ouvre ainsi les procédures au contradictoire : les parties et leurs avocats peuvent avoir accès au dossier pour formuler des observations sur la régularité de la procédure ou la qualification des faits, et demander des actes d’enquête supplémentaires.

# Focus 3 : Quelle est l’affaire des fadettes menée à l’encontre de magistrats du PNF ?
A son arrivée à la tête du ministère de la Justice, Eric Dupond-Moretti a ordonné des enquêtes administratives contre trois magistrats du PNF, Patrice Amar, vice-procureur du PNF, Eliane Houlette, cheffe du PNF au moment des faits, et Ulrika Delaunay-Weiss, procureure, pour l’enquête menée dans le cadre du dossier Bismuth qui impliquait Nicolas Sarkozy et son avocat Thierry Herzog. Les magistrats du PNF soupçonnaient l’existence d’une taupe qui aurait prévenu Monsieur Sarkozy et son avocat qu’ils avaient été placés par le parquet sous écoute. Au cours de leurs investigations, les magistrats étaient allés jusqu’à consulter les relevés téléphoniques (dits fadettes, d’où le nom de l’affaire) d’Eric Dupond-Moretti, avocat au moment des faits, devenu Garde des Sceaux. L’enquête administrative conclut à l’absence de manquement de Patrice Amar mais le ministère de la Justice le renvoie tout de même devant le Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM), organe chargé de sanctionner les fautes des magistrats. Il lui est reproché d’avoir manqué d'impartialité et de mesure dans ses propos tenus à l’encontre de son ancienne cheffe, Eliane Houlette. le CSM exonère cependant Patrice Amar de toute faute. 

5. Quelles sanctions sont prononcées dans le cadre des infractions financières ?

Les sanctions sont principalement des amendes, des confiscations (de comptes bancaires, de véhicules, d’immeubles), des dommages et intérêts versés à l’État. Il est également prononcé des peines d’emprisonnement et des interdictions professionnelles à l’égard des personnes physiques, et délivre des mandats d’arrêt.

La particularité du PNF est cependant le recours à des procédures pénales alternatives pour le prononcé des sanctions. Convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) et comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) constituent deux procédures très souvent mises en place par le PNF.

#Focus 4 : Quelles sont les enquêtes en cours menées par le PNF ? 
Le PNF a ouvert en avril 2022 une enquête préliminaire contre le cabinet de conseil McKinsey pour blanchiment aggravé de fraude fiscale. En janvier 2022, le directeur associé de McKinsey, Karim Tadjeddine, avait affirmé au PNF que la société de conseil payait des impôts en France. Le Sénat a cependant émis des soupçons de faux témoignage de la part du directeur et d’optimisation fiscale de la part de la société de conseil, depuis une dizaine d’années. 
Le PNF a ouvert une enquête préliminaire en octobre 2022 sur la gouvernance du comité d’organisation de la Coupe du monde de rugby de 2023 pour favoritisme et trafic d’influence. Les soupçons sont nés d’un signalement de l’inspection générale des finances et de l’inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche. Ainsi, le comité d’organisation a fait l’objet mi-novembre 2022 de perquisitions dans plusieurs locaux, notamment son siège. 
Enfin, une instruction est menée par le tribunal judiciaire de Paris depuis 2020 contre Alexis Kohler, secrétaire général de la Présidence de la République, pour trafic d’influence et prise illégale d’intérêts. Le numéro 1 de l’Elysée  fait l’objet d’une mise en examen depuis septembre 2022 par le PNF. 

6. La convention judiciaire d’intérêt public : la justice pénale négociée

La convention judiciaire d'intérêt public ou CJIP a été mise en place par la loi du 9 décembre 2016 dite Loi Sapin II. Elle est également régie par les lignes directrices relatives à la mise en œuvre de la CJIP adoptées le 27 juin 2019 par le PNF et l’Agence française anticorruption. Elle est définie à l’article 41-1-3 du Code de procédure pénale.

La CJIP est plus restreinte que la CRPC. Elle ne peut en effet s’appliquer qu’aux personnes morales et pour les infractions de corruption, de blanchiment et de trafic d’influence. Son champ d’application a néanmoins été élargi par la du 23 octobre 2018 aux infractions de fraude fiscale.

Contrairement à la CRPC, la CJIP est une mesure alternative au procès. Elle éteint l’action publique lorsque la personne morale accepte de se plier aux obligations fixées par la convention. Trois types d’obligations peuvent être formulées : le versement d’une amende d’intérêt public, qui ne peut excéder 30% du chiffre d’affaires moyen annuel de la société, la création d’un programme de mise en conformité des procédures de prévention et de lutte contre la corruption et la réparation du dommage aux éventuelles victimes.

Le procureur de la République financier décide, au cours d’une enquête préliminaire ou d’une information judiciaire, d’effectuer une CJIP. Il informe la personne morale de cette procédure et des obligations proposées. Si la personne morale accepte, une audience publique se tient durant laquelle le président du tribunal judiciaire valide ou non la convention. La personne morale ne peut effectuer de recours contre la décision du président mais dispose de dix jours pour se rétracter de la procédure.

La CJIP permet à la personne morale en cause d’éviter une longue procédure et de préserver sa réputation. Cette procédure fait néanmoins l’objet de critiques, comme dans le cas de la CJIP conclue entre le PNF et la banque JP Morgan le 2 septembre 2021 mise en cause pour complicité fraude fiscale de 2004 et 2007. D’une part, l’amende à verser est déterminée de manière proportionnée aux avantages tirés des manquements constatés selon le texte. Rien ne précise s’il s’agit des avantages retirés par la banque ou par ses clients, principaux auteurs et bénéficiaires de la fraude fiscale. En l’espèce, les avantages pris en compte sont ceux retirés par les clients. D’autre part, la CJIP prend en compte des facteurs minorants ou aggravants dans la détermination des obligations. Dans le cas de JP Morgan, la faible implication de la banque dans les opérations de fraude fiscale, le caractère ancien et isolé des actes punis et la coopération de la banque tout au long de la procédure ont permis de minorer la CJIP. Ce sont pourtant ici les actions de la banque et non de ses clients qui ont constitué des éléments minorants.

7. La comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité

La comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ou CRPC a été instituée par la loi du 9 mars 2004. Elle est définie aux articles 495-7 à 495-16 du Code de procédure pénale.

Le PNF fait un grand usage de la CRPC depuis 2020. Le procureur de la République financier décide la mise en place de cette procédure au cours de l’enquête préliminaire, après ouverture au contradictoire. Une CRPC peut être mise en place pour une personne morale ou physique. Cette dernière doit alors reconnaître les faits qui lui sont reprochés et, souvent exigé par le PNF en matière fiscale, régulariser sa situation. Le PNF propose alors une peine à l’intéressé qui a dix jours pour l’accepter, ou non. Il peut s’agir d’une peine d’emprisonnement, d’une amende, ou de peines complémentaires comme l’interdiction d’exercer certaines professions ou la confiscation de biens. Une fois la peine acceptée, l’intéressé comparaît devant le tribunal judiciaire pour une audience d’homologation. Sur les 41 CRPC effectuées par le PNF, l’ensemble a conduit à des amendes et 32 au prononcé d’une peine d’emprisonnement d’en moyenne 10 mois. Logiquement, ce sont les infractions pour fraude fiscale qui conduisent à de lourdes amendes, souvent accompagnées de sanctions fiscales, afin de remédier à l’enrichissement personnel qui a résulté de l’infraction.

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