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17
January 2023

Nomenclature Dintilhac : comment chiffrer vos préjudices

Nomenclature Dintilhac : comment chiffrer vos préjudices

Vous avez été victime d’un accident ou d’une agression et vous souhaitez obtenir réparation de vos préjudices ?

Pour les évaluer, les juridictions utilisent principalement la nomenclature Dintilhac. Nous vous proposons ici de découvrir cette nomenclature et les postes de préjudice qu’elle prévoit, pour mieux comprendre l’indemnisation à laquelle vous avez droit.

I. Quelle juridiction saisir en cas de demande d’indemnisation ?

Il convient ici d’établir une première distinction selon le type d’accident que la victime a subi :

Mise en garde #1
L’indemnisation par la juridiction civile est indépendante du procès pénal.Il n’est pas nécessaire que l’auteur des faits soit identifié. Il est même possible de saisir la CIVI avant toute décision devant une juridiction pénale. Aussi, dès qu’il existe des éléments matériels démontrant l’origine infractionnelle des blessures, votre avocat peut saisir la CIVI pour demander une expertise et le versement d’une provision.
Mise en garde #2
Devant la CIVI, il vous appartient de prouver les dépenses engagées au titre de la guérison de vos blessures. Aussi, toute aide à laquelle vous avez eu recours (garde d’enfants, frais de transports, aide psychologique…) doit être justifiée. Il est donc important que vous conserviez les factures ou autres preuves de paiement. De même, n’hésitez pas à demander des attestations à votre médecin (généraliste ou spécialiste), à votre médecin psychiatre ou à votre psychologue pour démontrer votre suivi régulier. Ces attestations, comme les factures, permettront d’obtenir le remboursement de ces frais par la CIVI. 

II. Qu’est-ce que la nomenclature Dintilhac ?

En 2006, le groupe de travail présidé par Jean-Pierre Dintilhac (président de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation) a élaboré une nomenclature pour évaluer les préjudices

L'objectif du groupe était de mettre en place une nomenclature reconnue par tous les acteurs de la réparation du dommage corporel, et permettant d’indemniser précisément et complètement les victimes, mais également d’assurer une égalité de traitement entre elles. Désormais, la nomenclature Dintilhac est utilisée par l’ensemble des acteurs du milieu juridique : juges, avocats, ou encore assureurs des victimes. 

Cette nomenclature a été adoptée aussi bien par les juges judiciaires que par les juges administratifs. La Cour de cassation en particulier s’est emparée de cet outil pour évaluer le dommage des victimes, résultant tant de leurs dépenses de santé que d’autres conséquences sur leur vie quotidienne. 

Au sein de la nomenclature, le groupe a réalisé un classement des différents postes de préjudice.

III. Quels sont les postes de préjudices prévus par la nomenclature Dintilhac ?

Dans un objectif de clarté, la nomenclature Dintilhac est divisée en plusieurs catégories et sous-catégories, en fonction de l’identité de la victime (victime directe ou indirecte), et de la nature du préjudice (préjudice patrimoniale ou préjudice extrapatrimoniale ; préjudice temporaire avant consolidation ou préjudice permanent après consolidation). 

Lors d’une procédure pénale ou civile, le juge peut ordonner une expertise médico-légale pour évaluer l’ampleur des dommages que la victime a subis.

Cependant, il arrive que certaines blessures ne soient pas guéries au jour de l’expertise.

L’évaluation des dommages est alors sujette à révision selon l'évolution des blessures

La date de consolidation est le critère clé pour déterminer quels sont les préjudices temporaires et les préjudices permanents. Celle-ci est définie comme la date de stabilisation des conséquences des lésions organiques et physiologiques.

La date de consolidation, définie comme la date de stabilisation des conséquences des lésions organiques et physiologiques, est le critère clé pour distinguer deux types de préjudices :  

  • Les préjudices temporaires : l’indemnisation des préjudices avant la date de consolidation
  • Les préjudices permanents : l’indemnisation des préjudices après la date de consolidation

A. Les préjudices temporaires

La période entre le jour des blessures et la date de consolidation est parfois longue, et la victime peut être indemnisée de tous les préjudices financiers subis le temps de sa maladie traumatique.

L’indemnisation des préjudices patrimoniaux temporaires avant consolidation permet d’éviter que la victime n’ait à supporter les frais non remboursés par les organismes sociaux notamment. 

Parmi les préjudices patrimoniaux, sont pris en charge :

  • Les dépenses de santé des organismes sociaux : les dépenses de santé prises en charge par les organismes de sécurité sociale
  • Les dépenses de santé restées à la charge de la victime : les dépenses de santé actuelles, et non prises en charge par les organismes sociaux
  • Les frais d’assistance par une tierce personne : dépenses de la victime pour employer une aide à domicile si nécessaire durant la période d’incapacité temporaire de travail
  • Les pertes de gains professionnels actuels : perte de revenus du fait d’une période d’incapacité de travail jusqu’à la consolidation.

Les préjudices patrimoniaux temporaires comprennent ainsi non seulement les frais engagés par la victime d’un dommage à la suite d’un accident, mais également les pertes de gains professionnels subséquents. 

Parmi les préjudices extrapatrimoniaux, sont indemnisés :

  • Le déficit fonctionnel temporaire : il s’agit ici de compenser l’incapacité fonctionnelle totale ou partielle que subit la victime avant la consolidation. Le déficit comprend les périodes d’hospitalisation tout comme la perte de qualité de vie de la victime. Le déficit fonctionnel temporaire (DFT) est un type de préjudice qui vise à indemniser la victime pour l’invalidité subie dans le cadre de sa vie courante. 
  • Les souffrances endurées : il s'agit de toutes les souffrances subies par la victime à partir du fait dommageable jusqu'à la date de la consolidation.
  • Le préjudice esthétique temporaire : ce poste de préjudice tend à indemniser l’image que la victime renvoie d’elle-même, et celle qu’elle se renvoie à elle-même.

B. Les préjudices permanents

La victime est aussi indemnisée des préjudices postérieurs à la date de consolidation. Il s’agit des séquelles des blessures, qui lui demanderont des frais à l’avenir.

Sont pris en charge à titre de préjudices patrimoniaux :

  • Les dépenses de santé futures pour les organismes et à la charge de la victime
  • Les frais de véhicule et/ou de logement adapté. Les frais de logement adapté, chef de préjudice distinct, comprennent les frais résultant de l’adaptation du logement intervenant avant consolidation. Les frais de véhicule adapté font également partie des préjudices patrimoniaux permanents après consolidation indemnisables, et incluent les frais que la victime d’un dommage corporel doit engager pour le renouvellement d’un véhicule, ou les surcoûts nécessaires à son adaptation
  • Les frais d’assistance par une tierce personne
  • Les pertes de gains professionnels futurs : pertes de revenus liée à l’incapacité de travailler à l’avenir pour la victime. Ce poste de préjudice doit être distingué du préjudice scolaire, universitaire ou de formation (PSU), qui permet d’être indemnisé à la suite d’un dommage subi entraînant un retard dans les études, voire une modification de l’orientation professionnelle
  • L’incidence professionnelle : sont ici visées les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle. A ce titre, il offre une indemnisation portant sur la dévalorisation sur le marché du travail ou sur la perte d'une chance d’une promotion professionnelle

Sont indemnisés à titre de préjudices extrapatrimoniaux :

  • Le déficit fonctionnel permanent : la victime peut aussi être indemnisée de la douleur persistante, mais aussi de la perte de qualité de vie et d’autonomie personnelle après la consolidation
  • Le préjudice esthétique permanent
  • Le préjudice d’agrément : l’impossibilité de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs
  • Le préjudice sexuel
  • Le préjudice d’établissement : la perte d'espoir ou de chance pour la victime de réaliser un projet de vie familial en raison de son handicap

La nomenclature Dintilhac permet d'évaluer avec une plus grande précision les préjudices extrapatrimoniaux résultant d’un dommage corporel. 

Mise en garde #3
Les postes de préjudices évoqués peuvent uniquement être demandés par la victime directe. Cependant, les victimes par ricochet, souvent l’entourage de la personne, peuvent obtenir une indemnisation sur des postes de préjudices patrimoniaux comme extrapatrimoniaux.

En cas de décès de la victime directe, ses proches peuvent ainsi être indemnisés de leur préjudice d’accompagnement, ou de leur préjudice d’affection. 

En cas de survie de la victime direct, les victimes par ricochet peuvent demander le dédommagement de la perte de revenus de leur proche, en raison de son arrêt de travail ou de la modification de son environnement de travail, ou encore l’indemnisation d’un préjudice d’affection, résultant par exemple de la vue des souffrances endurées par la victime directe. 

Le cas particulier des victimes d’attentats a donné lieu à la reconnaissance de deux nouveaux postes de préjudices, à l’occasion d’un audience présidée par Madame Chantal Arens, présidente de la Cour de cassation : 

  • Le préjudice d’angoisse des victimes directes : il correspond à l’angoisse de mort imminente vécue par la victime d’attentat
  • Le préjudice d’attente des victimes indirectes : il correspond à la période traumatique durant laquelle la famille n’a eu aucune information quant à la survie ou non de la victime.  

Les juridictions judiciaires peuvent donc, dans des hypothèses particulières, créer de nouveaux postes de préjudices, intégrés au sein de la nomenclature Dintilhac et permettant d’assurer la réparation intégrale du préjudice subi par une victime. 

Un dernier poste de préjudices est accessible aux seules victimes directes d’actes terroristes : le préjudice Permanent Exceptionnel Spécifique des Victimes de Terrorisme (PESVT).

Depuis 2015, il est devenu un poste autonome de préjudice validé par le FGTI, et a donné lieu à des indemnisations de plusieurs dizaines de milliers d’euros par victime.

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