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March 2023

Recours gracieux des personnes incarcérées : mode d'emploi

Recours gracieux des personnes incarcérées : mode d'emploi

Le recours gracieux est un recours administratif qui fait suite à une décision défavorable d’une autorité administrative à l’égard d’un détenu. Il consiste pour le détenu à demander à l’auteur de la décision son retrait ou sa modification. La justice administrative permet de former plusieurs types de recours tendant à contester des décisions prises par l’administration, et le recours gracieux en fait partie. 

I. Quelles décisions peuvent être contestées par le recours gracieux ?

De nombreuses décisions administratives peuvent faire l’objet d’un recours gracieux ou hiérarchique, voire d’un recours devant une juridiction administrative.

Plusieurs types de décisions administratives peuvent faire l’objet d’un recours gracieux : une décision individuelle, mais aussi des actes non décisoires comme des avis ou circulaires. Le silence de l’administration conservé pendant deux mois constitue également une décision implicite de rejet selon l’article L. 231-4 du Code des relations entre le public et l’administration (CRPA). Cette règle n’est cependant pas applicable dans toute situation. Il faut ainsi examiner le contenu de la décision : en effet, le silence de deux mois vaut acceptation pour de nombreuses demandes des détenus. C’est le cas de l’envoi d’argent à sa famille ou de l’obtention de vêtements ou produits d’hygiène par exemple.

Une décision administrative peut également être informelle, c’est-à-dire qu’elle n’a aucun support écrit. Dans ce cas, elle est révélée par des actions de l’administration : par exemple, le fait de procéder à des fouilles intégrales systématiques des détenus à l’issue des visites au parloir révèle une décision d’autorisation de ces fouilles (Conseil d’Etat, 3 octobre 2018, SFIOP, n°413989).

Le recours ne peut en revanche être effectué à l’encontre d’une décision de justice.

Le recours gracieux s’adresse à l’auteur de la décision. Ainsi, toutes les décisions du chef de l’établissement pénitentiaire peuvent faire l’objet d’un recours gracieux. Ce recours permet dès lors de contester un acte ou une abstention devant l’autorité qui a pris la décision. 

II. Par qui le recours gracieux peut-il être exercé ?

Le recours administratif est un droit : toute décision administrative peut en principe faire l’objet d’un recours administratif en vertu de l’article L. 411-2 du Code des relations entre le public et l'administration.

Seules les personnes qui subissent un préjudice résultant de la décision peuvent effecteur ce recours. Le recours peut tout de même être effectué par plusieurs personnes. Il peut aussi être effectué par un tiers affecté par la décision nivelle : c’est le cas d’un proche d’un détenu qui a été interdit de visite. Le tiers effectue un recours pour le préjudice subi par le fait qu’il ne puisse plus rendre visite à la personne détenue.

De plus, la personne qui effectue le recours doit démontrer qu’elle a un intérêt à l’annulation ou la modification de l’acte : ainsi, seules les décisions défavorables sont recevables.

Celui qui souhaite déposer un recours gracieux peut désigner un mandataire chargé d’effectuer la procédure à sa place. Ce mandat n'a pas besoin d’être effectué dans des formes particulières et peut être tacite ou verbal.

Il est également possible d’être assisté par un avocat.

La personne peut enfin recevoir une aide juridique pour effectuer le recours.

 

III. Pourquoi est-il utile de faire un recours gracieux ?

Le recours gracieux permet de demander à l’administration de modifier sa décision. Il est un préalable à la saisie du juge administratif devant lequel l’administré peut contester la décision.

Il faut distinguer les cas où le recours gracieux est obligatoire et ceux où il ne l’est pas. En effet, le recours gracieux peut constituer un recours administratif préalable obligatoire. Le recours est alors une démarche obligatoire avant de saisir le juge administratif.

C’est le cas pour les sanctions qui ne peuvent faire l’objet d’un recours gracieux. Le détenu doit obligatoirement effectuer un recours auprès de la direction interrégionale des services pénitentiaires.

IV. Comment exercer un recours gracieux ?

Ce recours est gratuit et peut être envoyé par mail, par lettre papier ou via un service en ligne. Aucune forme particulière (signature, documents, etc.) n’est exigée pour le recours. Cependant, il est utile pour le détenu d’envoyer une lettre recommandée avec un accusé de réception et de conserver une copie de sa lettre.

Aucune motivation particulière n’est obligatoire dans le contenu du recours. L’individu doit toutefois expliciter les raisons en fait et en droit qui permettent de contester la décision. Le détenu peut ainsi détailler les règles juridiques qui n’auraient pas été appliqués et les circonstances de fait qui soulignent le préjudice subi par la décision défavorable.

Le recours doit conclure à la réformation ou à l’annulation de l’acte pour qu’il soit qualifié de recours gracieux. Il ne peut simplement transmettre des informations, des documents, ou protester contre la décision. Il ne sera sinon pas considéré comme un recours gracieux et ne sera donc pas examiné.

Le recours gracieux doit être effectué dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision contestée. Ce délai de recours concerne également le recours contentieux. Néanmoins, le recours gracieux interrompt le délai du recours contentieux qui recommence à courir à l’issue du recours administratif.  Il est à noter que la décision continue de s’appliquer lorsque le détenu effectue un recours gracieux.

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V. Quelle réponse l’administration apporte-t-elle au recours gracieux ?

Si le recours gracieux a été adressé par erreur à un service administratif qui n’est pas compétent, celui-ci le transmettra au service qui devait être saisi. L’administration délivre ensuite un accusé de réception utile pour le calcul du délai de l’éventuel recours contentieux ultérieur. L’administration est tenue d’examiner les recours qui sont effectués, elle refuse sinon à exercer sa propre compétence. Elle n’est en revanche pas tenue d’entendre les dépositaires du recours avant de formuler sa décision.

L’administration peut modifier ou annuler l’acte litigieux. Elle effectue des modifications en droit et en opportunité. Elle peut également régulariser la procédure irrégulière d’adoption de l’acte, sans devoir néanmoins réexaminer le contenu même de l’acte ensuite. Si l’administration n’était pas compétente pour prendre cet acte, elle peut le retirer et charger l’autorité compétente de statuer à son tour. Enfin, l’administration ne peut pas aggraver une sanction.

L’administration rend sa décision sans devoir la motiver : elle n’est tenue d’expliquer le rejet d’un recours gracieux. La motivation est obligatoire uniquement si la décision initiale critiquée n’était pas motivée alors qu’elle le devait. Elle ne doit pas non plus nécessairement formuler de réponse explicite à la demande : le silence gardé pendant deux mois vaut rejet de la demande en vertu de l’article L. 411-7 du Code des relations entre le public et l’administration

VI. Quels autres recours sont possibles ?

Hormis le recours gracieux, l’administré peut effectuer un recours hiérarchique. Il adresse alors son recours au supérieur hiérarchique de l’auteur de la décision. Les décisions prises par le chef de l’établissement pénitentiaire seront ainsi contestées devant le directeur interrégional des services pénitentiaires. Les décisions prises par celui-ci seront quant à elles contestées devant le ministre de la justice.

Le détenu peut également effectuer un recours contentieux devant le tribunal administratif. La contestation de l’acte n’est plus examinée par l’autorité administrative mais par un juge. Il conteste alors la décision initiale ainsi que la décision de rejet de son recours gracieux dans un délai de deux mois. Il est ainsi possible de contester le rejet d’un recours gracieux auprès d’un juge administratif par le biais du recours pour excès de pouvoir notamment. S’il a effectué un recours obligatoire, la réponse de l’administration remplace la décision initiale qui n’existe plus en droit : ainsi, seule la décision rendue à l’issue de ce recours obligatoire peut être contestée. 

Il est possible de joindre un référé-suspension à un tel recours contentieux, dans les conditions prévues à l’article L. 521-1 du code de justice administratif. Il sera audiencé devant le juge des référés. L’usage des référés en contentieux administratif a l’intérêt de réduire sensiblement la durée que prennent les tribunaux administratifs ou les cours administratives d’appel pour statuer sur la légalité d’un acte administratif. 

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