Le cabinet Chapelle Avocat intervient fréquemment dans la formation et l’accompagnement des dirigeants d’entreprises afin de mieux comprendre et de prévenir la commission d’infractions pénales.
Dans la continuité de cette volonté d’accompagner les entrepreneurs, le cabinet vous propose aujourd’hui un résumé des points clés concernant la responsabilité pénale du chef d’entreprise et des conseils pour mieux appréhender ce risque.
I. Principe de responsabilité pénale du dirigeant d’entreprise
A. Quelle est l’étendue de la responsabilité pénale du dirigeant d’entreprise ?
Le chef d’entreprise supporte une présomption responsabilité qui a pour conséquence d’attirer sur lui la répression pénale en cas de commission d’une infraction. Ainsi, le risque d’engagement de la responsabilité pénale du dirigeant d’entreprise ne doit pas être négligé, tant pour les grandes que pour les petites structures.
En premier lieu, la responsabilité incombant au chef d’entreprise, il est nécessaire d’identifier la personne disposant de cette qualité. Pour ce faire, le juge pénal a recours à un critère formel ainsi qu’à un critère réel.
1. Le critère formel consiste à attribuer la qualité de chef d'entreprise à celui qui, au regard de la structure juridique adoptée, est censé en assumer la direction. En principe, il s’agit de la personne physique disposant des pouvoirs les plus étendus dans l’ordre interne à l’entreprise.
2. Le critère réel désigne la personne qui assume effectivement la direction et l'organisation de l'entreprise, indépendamment de la structure juridique adoptée. Il s’agit d’un critère pris en compte par le juge pénal lorsque le critère formel est inapplicable, notamment lorsqu’il ne désigne pas le véritable responsable. La prise en compte du critère réel peut ainsi conduire à condamner un dirigeant de fait plutôt que le dirigeant de droit de la société.
En second lieu, un fait générateur de la responsabilité doit être constaté. Il peut émaner non seulement du chef d’entreprise, mais également de ses salariés.
En principe, la responsabilité pénale incombe à celui qui a personnellement causé le dommage, conformément à l’article 121-1 du code pénal qui précise que « Nul n’est responsable pénalement que de son propre fait ».
Il ressort de l’application de ce texte que le dirigeant d’entreprise est responsable des infractions qu’il a volontairement pu commettre dans la direction de l’entreprise. Il est également responsable du respect de la réglementation en matière de sécurité, y compris lorsqu’il est commis par un salarié dans la mesure où cette inobservation révèle la carence du chef d’entreprise dans sa mission générale de contrôle et de surveillance.
Également, le chef d’entreprise peut se voir porter responsable des infractions pénales commises par ses salariés lorsque ceux-ci agissent dans l’exercice de leurs fonctions. En effet, le juge pénal considère que le dirigeant commet une faute personnelle de nature à engager sa responsabilité pénale en ce qu’il aurait dû éviter la commission de l’infraction.
Ainsi, le chef d’entreprise ne pourra écarter sa responsabilité que s’il prouve qu’il a été particulièrement diligent ou que la faute résulte exclusivement du comportement de la victime ou du salarié.
En troisième lieu, un critère temporel doit être pris en compte lors de la détermination du chef d’entreprise responsable. Le dirigeant responsable sera celui en fonction au moment où l'infraction est commise. En conséquence, il n'est pas possible de reprocher à un dirigeant des manquements commis dans l'entreprise à un moment où il n'en avait pas encore pris la direction
En dernier lieu, la responsabilité du chef d’entreprise n’exclut pas que la responsabilité d’autres personnes soit recherchée. Ainsi, lorsque le salarié est l’auteur de la faute pénale, sa responsabilité peut être engagée en plus de celle du chef d’entreprise. Dans la pratique, la responsabilité pénale du salarié sera rarement poursuivie.
Également, la responsabilité de la personne morale, la société, peut être recherchée en plus de celle du chef d’entreprise.
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B. Quelles sont les infractions et les sanctions ?
Le chef d’entreprise peut être poursuivi pour toutes les infractions volontaires qu’il a commis lui-même, ainsi que de celles commises par ses salariés dans l’exercice de leurs fonctions.
Ainsi, le champ des infractions auxquels s’expose le chef d’entreprise n’est pas limité, il pourra faire l’objet de poursuites sur l’ensemble des infractions prévues par la législation.
Il peut ainsi s’agir d’infractions contre les personnes (violences physiques ou psychologiques, de harcèlement, de discrimination, …), contre les biens (vol, abus de confiance, escroquerie, dégradations) ou d’infractions spécifiques (abus de biens sociaux, corruption, banqueroute, …) etc…
Le chef d’entreprise peut également être poursuivi en cas d’atteintes involontaires à l’intégrité physique et psychique de ses employés, notamment lorsqu’il ne veille pas au respect des impératifs de sécurité et d’hygiène destinés à leur garantir une protection dans leurs conditions de travail.
Conformément au régime général de la responsabilité pénale, lorsque l’infraction pénale est constituée ou même seulement tentée, le chef d’entreprise engage sa responsabilité pénale en tant qu’auteur ou complice et risque les peines prévues contre l’auteur de l’infraction reprochée.
Mise en garde : En cas de condamnation, le dirigeant d’entreprise encourt non seulement les peines d’amendes et d’emprisonnement prévues par les textes d’incrimination, mais également la peine complémentaire d’interdiction de diriger, administrer, gérer ou contrôler une entreprise.
II. Éviter l’engagement de la responsabilité pénale du chef d’entreprise.
A. Veiller au respect de la loi et de la sécurité des employés
En premier lieu, le chef d’entreprise doit s’assurer que son action personnelle est toujours conforme à la loi. Outre les nombreuses infractions qui s’appliquent à tous citoyens, il existe des infractions qui ont vocation à s’appliquer particulièrement aux dirigeants d’entreprises, notamment en matière de fraudes fiscales, de banqueroute ou d’abus de biens sociaux. Il est impératif pour le chef d’entreprise de s’assurer que son action est toujours conforme à la loi, aussi bien dans ses actions personnelles que dans la direction de l’entreprise.
En second lieu, en sa qualité de dirigeant d’entreprise, il doit assurer une mission de surveillance au sein de l’entreprise. Cette mission de surveillance impose au chef d’entreprise d’avoir connaissance de la législation et d’en vérifier l’application effective au sein de l’entreprise. Il doit également s’assurer d’avoir mis en place des mesures nécessaires à la prévention des risques précédemment évoqués, c’est-à-dire de commission d’infraction par les salariés mais également les risques liés à leur sécurité.

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En dehors des cas où les mesures préventives font l’objet d’une réglementation spécifique, ces mesures peuvent généralement s’organiser de la sorte :
1. Définir les sources de dangers : Risque de chute, risque de brulure, risque de coupure, risque d’électrocution…
2. Classer, évaluer la probabilité ou la gravité du risque pour les salariés pour y apporter une réponse adaptée : Tous les risques n’ont pas la même chance de se produire, ni les mêmes conséquences
3. Supprimer la source du risque ou lorsque ce n’est pas possible, prendre des mesures pour prévenir du risque : Remplacer ce qui est dangereux, donner des instructions appropriées aux salariés, adapter le travail, donner du matériel de protection, former les salariés…
Toutefois, le chef d’entreprise peut toujours procéder à une délégation de pouvoir auprès d’une autre personne physique afin d’assurer que cette mission de surveillance soit pleinement assurée.
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B. Procéder à une délégation de pouvoir
La délégation de pouvoir peut intervenir en raison de la croissance de l’entreprise ou au regard de la spécificité de l’activité rendant la surveillance complexe. Bien entendu, dès lors que le chef d’entreprise se rend compte qu’il ne peut plus assurer efficacement sa mission de surveillance, il n’aura d’autre choix que de procéder à cette délégation, sans quoi il court le risque de voir sa responsabilité pénale engagée.
La délégation de pouvoir est un mécanisme juridique qui opère transfert, non seulement de l’un des pouvoir du chef d’entreprise, mais également de la responsabilité pénale pouvant être attachée à l’exercice de ce pouvoir.
La délégation de pouvoir permet ainsi au chef d’entreprise de limiter son champ de responsabilité en s’exonérant de la responsabilité pénale des faits survenus dans le cadre du pouvoir délégué.
Cela signifie qu’en cas de faute pénale, seule la responsabilité du délégataire sera recherchée.
Toutefois, la délégation de pouvoir ne permet l’exonération du dirigeant de l’entreprise que sous certaines conditions.
En premier lieu, la délégation de pouvoir est exonératrice de responsabilité pénale uniquement lorsque le chef d’entreprise n’a pas pris part personnellement à l’infraction. Ainsi, la délégation de pouvoir ne pourra pas être invoquée lorsque le chef d’entreprise commet lui-même une infraction ou une faute pénale ou s’il se rend complice des manquements du délégataire de pouvoir.
En second lieu, pour être exonératrice de responsabilité pénale, la délégation de pouvoir doit répondre à plusieurs conditions relatives portant sur la délégation en elle-même ainsi que la personne du délégataire.
Les 4 conditions relatives à la délégation de pouvoir :
1. La délégation est préalable à la faute pénale.
2. La délégation est nécessaire, elle intervient lorsqu’il est matériellement impossible d’exercer seul un contrôle satisfaisant, eu égard à la taille de l’entreprise, la spécialisation du travail, l’existence de plusieurs structures, etc…
3. La délégation doit être précise, elle porte sur un secteur d’activité déterminée. En principe tous les domaines peuvent faire l’objet d’une délégation, sauf lorsque la loi (ou la jurisprudence dans certains cas) précise spécifiquement que la délégation n’est pas possible.
4. La délégation doit être spéciale, elle doit porter seulement sur une partie des fonctions du chef d’entreprise.
Les 3 conditions relatives au délégataire :
1. Le délégataire doit être une personne subordonnée juridiquement au délégant. Cela implique qu’il est possible de procéder à des délégations en cascade, tant qu’il existe un lien de subordination. Ainsi, le chef d’entreprise peut procéder à une délégation de pouvoir envers un directeur qui pourra ensuite déléguer ce pouvoir à un responsable, etc…
2. Le délégataire de pouvoir doit accepter la délégation de pouvoir. L’acceptation se fera principalement par la signature du contrat de travail précisant la délégation de pouvoir, mais pourra également se faire par tout acte juridique.
3. La délégation doit être effective, pour cette raison le délégataire doit être pourvu de la compétence, de l’autorité et des moyens nécessaires à l’exercice de sa mission.
Lorsque toutes ces conditions sont remplies, le dirigeant de l’entreprise est exonéré de sa responsabilité et ne pourra faire l’objet d’aucune poursuite à ce titre.
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