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24
November 2022

Fraude au président : une escroquerie courante dans les entreprises

Fraude au président : une escroquerie courante dans les entreprises

1. Qu’est-ce qu’une fraude au président ?

Une fraude au président est également appelée une escroquerie aux faux ordres de virement. L’objectif de l’auteur des faits est d’obtenir un virement bancaire de l’entreprise victime qui n’aurait pas dû lui être effectué. L’arnaque au président constitue un risque pour toute entreprise française, qu’importe sa taille ou son secteur d’activité.

La fraude au président fait également partie du type de fraude par ingénierie sociale. Ce terme regroupe l’ensemble des actes d’escroquerie dont les auteurs abusent de la confiance d’un individu pour obtenir des sommes d’argent ou des informations. La protection de ses données personnelles, l’usage averti des réseaux et la méfiance sont ainsi essentielles pour éviter les escroqueries de ce type.

La fraude au président repose sur l’usurpation d’identité. Une personne se fait passer pour un donneur d’ordre d’une entreprise, contacte des membres de celle-ci afin de les tromper et d’obtenir le versement de fonds. Le fraudeur peut usurper l’identité du président de l’entreprise, mais aussi de tout directeur, dirigeant, technicien, fournisseur, ou encore d’une autorité publique.

L’usurpateur d’identité noue des contacts avec un membre de l’entreprise, souvent un comptable, pour instaurer une confiance entre eux. Ces échanges s’effectuent par tout support, qu’il s’agisse de courriels, de faux appels téléphoniques, de lettres, de SMS. Le fraudeur envoie ensuite un message demandant à la personne victime de fraude d’effectuer un virement international, urgent et confidentiel. Il s’agit alors d’un transfert de fonds frauduleux. 

La fraude au président peut également s’effectuer auprès des clients d’une entreprise. La personne malveillante usurpe l’identité d’une autorité publique auprès de l’entreprise victime afin de simuler un contrôle de cette dernière et d’obtenir des informations sur elle, en particulier ses coordonnées bancaires. Il se fait alors passer pour l’entreprise victime auprès de ses clients qui virent d'importantes sommes d’argent à leur insu. 

2. Comment se prémunir contre les fraudes ? 

Les fraudes au président se sont accrues depuis l’essor du télétravail avec l’épidémie de Covid-19. Les entreprises doivent ainsi être vigilantes pour se protéger de telles arnaques. Il convient d’informer tous ses membres des pratiques de fraude au président. Ils pourront alors être très attentifs lors de leurs communications par mail. La fraude au président repose en effet souvent sur la falsification de légers détails de documents, de noms de domaine, de pièces jointes, d’adresses mail (notamment les points, les virgules et les fautes d’orthographe). De manière générale, il convient d’écarter tout spam ou message semblant provenir d’une source douteuse. Sécuriser les virements et autres opérations confidentielles est également nécessaire : les virements bancaires doivent être validés par au moins deux personnes de l’entreprise et confirmés par une double signature électronique. Sécuriser l’accès aux comptes bancaires est évidemment également crucial. 

Pour éviter les risques de fraudes, il faut également sécuriser l’accès aux données personnelles des membres de l’entreprise. Ses membres doivent également être prudents dans leur usage des réseaux sociaux afin qu’ils ne divulguent pas d’informations concernant le fonctionnement d’entreprise et limiter leur accès. En effet, l’escroc se fait passer pour un directeur d’entreprise auprès d’un de ses membres en récupérant des données personnelles sur les réseaux sociaux. Ceux-ci constituent sa première source d’information, la fraude au président étant une escroquerie réalisée par Internet. En cas de protection accrue, les escrocs auront plus de mal à trouver des informations leur permettant de se rendre crédibles auprès des membres de l’entreprise.

3. Que faire lorsqu’on est victime d’une fraude ? 

Dans un premier temps, l’entreprise victime doit prévenir le responsable de sa banque et demander le retour des fonds sur son compte bancaire. Elle doit également conserver tous les échanges qui démontrent la fraude. Elle peut enfin déposer plainte auprès des services de police ou du procureur de la République dans les 24 heures. Toute personne s’estimant victime du préjudice peut porter plainte qui n’est pas réservée au membre de l’entreprise victime de la tromperie. La victime dispose de 6 ans pour porter plainte. Ce délai court à partir du moment où elle a remis le bien ou effectué le dernier virement.

4. Quelle qualification pénale de la fraude au président ? 

Les fraudeurs peuvent faire l’objet de poursuites pénales. La fraude au président se rattache en effet au délit d’escroquerie défini à l’article 313-1 du Code pénal. L’escroquerie consiste à tromper une personne afin qu’elle remette des fonds, un bien, ou effectue un service.

A. Éléments matériels

a) Des actes positifs

L’escroquerie est un délit caractérisé par des actes positifs, une tromperie. Quatre types d’actes sont retenus.

L’auteur des faits peut faire usage d’un faux nom ou d’une fausse qualité. Se faire passer pour le dirigeant d’une entreprise ou pour une autorité administrative en fait partie.

L’escroquerie est également caractérisée lorsque l’intéressé abuse d’une qualité vraie, c’est-à-dire qu’il profite de sa situation pour tromper une personne.

Enfin, l’escroquerie peut relever de manœuvres frauduleuses. Il s’agit de l’intervention d’un tiers qui vient confirmer les allégations mensongères, de la production de documents, authentiques ou falsifiés, ou encore d’une mise en scène. La création d’une fausse adresse mail et les échanges avec un membre de l’entreprise ciblée constituent des manœuvres frauduleuses.

L’escroquerie exige nécessairement des actes positifs. De simples mensonges sont insuffisants pour caractériser l’infraction. De même, le silence ou l’omission d’informations ne relèvent pas de l’escroquerie. Ainsi, l’auteur des faits qui envoie une fausse facture ne se rend coupable que d’un mensonge écrit qui ne constitue pas le délit d’escroquerie. (Cass. crim., 7 oct. 1969) Cette fausse facture doit s’accompagner de manœuvres comme l’usurpation de l’identité d’un membre de l’entreprise.

b) Un résultat

L’élément matériel de l’infraction requiert également un résultat : le versement de fonds, d’un bien, ou l’exécution d’un service.

L’escroquerie porte sur des fonds ou un bien. Ainsi, outre le versement de sommes indues, l’escroquerie est également caractérisée quand la personne victime transmet des informations sur l’entreprise ou des fichiers confidentiels. L’escroquerie est également retenue lorsque la personne victime réalise un service pour l’auteur des faits.

 B. Un lien de causalité

Le lien de causalité entre les manœuvres frauduleuses et la remise des fonds doit également être démontré. Ainsi, l’intéressé qui entretient des échanges avec des clients postérieurs à la remise de fonds par ces derniers ne se rend pas coupable d’escroquerie. Les échanges qu’il a eu avec les clients sont dénués de lien avec la remise des fonds. (Cass. crim., 10 nov. 1999 - n° 98-81.762)

 C. L’existence d’un préjudice

La remise des fonds doit avoir causé un préjudice à la personne victime ou à un tiers, l’entreprise dans le cas d’une fraude au président.

D. Élément intentionnel

L’escroquerie est un délit, aussi l’intention coupable doit être établie pour qualifier l’infraction. Souvent, la seule constatation des manœuvres frauduleuses ou de l’usurpation d’identité suffit à caractériser l’intention délictueuse.

5. Quel est le rôle de la brigade des fraudes ? 

La brigade des fraudes aux moyens de paiement (BFMP) est une autorité créée par la préfecture de police afin de renforcer la lutte contre la cybercriminalité. Elle prend en charge l’ensemble des escroqueries aux moyens de paiement, mais aussi des escroqueries au crédit, des escroqueries sur Internet et par téléphone. Elle traite également les faux documents administratifs.

6. Quelle sanction encourue pour une fraude au président ? 

La personne physique qui commet une escroquerie s’expose à 5 ans d’emprisonnement et 375 000 euros d’amende en vertu de l’article 313-1 du code pénal. Au regard de l’article 313-2, la sanction passe à 7 ans d’emprisonnement et 750 000 euros d’amende lorsque l’auteur de la fraude l’a réalisée dans le cadre de ses fonctions ou de sa mission, ou qu’il a usurpé la qualité de dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public. La peine est également aggravée si l’auteur réalise l’infraction au détriment d’une personne d’une particulière vulnérabilité.

L’escroquerie commise en bande organisée est punie de 10 ans d’emprisonnement et d’un million d’euros d’amende.

Des peines complémentaires peuvent également être prononcées comme l’interdiction des droits civiques, civils et de famille, la confiscation, l’interdiction de séjour ou l’exclusion temporaire des marchés publics.

Les personnes morales sont responsables de l’escroquerie réalisée par un organe ou représentant de celle-ci. La peine d’amende est alors multipliée par cinq conformément à l’article 131-38 du Code pénal.  

L’entreprise victime de l’escroquerie peut également se constituer partie civile devant le tribunal correctionnel afin de demander la réparation du préjudice subi.

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