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31
January 2023

Quelle responsabilité pénale pour les élus locaux ?

Quelle responsabilité pénale pour les élus locaux ?

Les élus locaux sont désignés dans le Code pénal par les appellations de personnes dépositaires de l’autorité publique, chargées d’une mission de service public ou investies d’un mandat électif.

Plus précisément, une personne dépositaire de l’autorité publique est investie d’un pouvoir de décision et de contrainte sur les individus quand une personne chargée d’une mission de service public accomplit uniquement les actes administratifs sans pouvoir de décision. Cette qualification correspond donc par exemple à un maire d’une commune en tant qu’officier de l’état civil.

Les élus peuvent voir leur responsabilité pénale engagée dans l’exercice de leurs fonctions ou de leurs missions. Ils ne bénéficient pas d’immunité pénale lorsqu’ils agissent dans l’exercice de leurs fonctions.

La responsabilité des élus peut être retenue pour des délits intentionnels définis dans le Code pénal. Elle peut cependant également l’être pour des délits non intentionnels.

I. QUELS SONT LES DÉLITS INTENTIONNELS QUI ENGAGENT LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DES ÉLUS ?

Sept délits intentionnels engagent la responsabilité pénale des élus :

A. La concussion

Délit défini à l’article 432-10 du Code pénal, il est caractérisé lorsqu’un élu exige la perception illicite d’une somme à titre de droits ou de charges publiques.

L’élément constitutif de cette infraction est la perception de la somme indue ou dont le montant excède la somme due. L’élu n’a pas besoin d’effectuer des manœuvres délictueuses pour voir sa responsabilité être engagée : le seul usage de son autorité fonctionnelle pour percevoir les sommes est suffisant.

La somme doit de plus avoir été perçue au titre de droits, de contributions, d’impôts ou de charges publiques. Ainsi, une simple demande de paiement ne caractérise pas ce délit : l’élu doit avoir produit une demande de versement d’un impôt.

A l’inverse, la concussion est également caractérisée quand l’élu accorde une exonération illicite de charges sociales.

La concussion est alors punie de 5 ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.

B. L’abus d’autorité

L’abus d’autorité regroupe plusieurs délits selon que l’infraction soit effectuée à l’encontre de l’Administration ou de particuliers.

Les articles 432-1 et 432-2 du code pénal incriminent ainsi le fait pour un élu de faire échec à l’exécution de la loi. Ce délit est puni de 5 à 10 ans d’emprisonnement et de 75 000 à 150 000 euros d’amende selon la gravité des faits. 

Les articles 432-4 et 432-5 du code pénal répriment quant à eux tout acte attentatoire aux libertés individuelles ou qui ne met pas fin à une privation de liberté illégale. L’élu encourt alors 3 à 7 ans d’emprisonnement et une amende 45 000 à 100 000 euros. Tout comportement discriminatoire d’un élu est également réprimé, de même que toute violation du domicile et du secret des correspondances. Ces infractions sont punies de 2 à 5 ans d’emprisonnement et de 30 000 à 75 000 euros d’amende.

C. Corruption et trafic d’influence

Délit défini à l’article 432-11 du Code pénal, il est retenu lorsqu’un élu propose ou accepte une récompense en échange d’un acte effectué dans le cadre de ses fonctions ou en abusant de ses fonctions. Les récompenses obtenues pour la réalisation du projet de corruption sont des dons, promesses, présents, offres, ou tout avantage quelconque. Sont ainsi inclus des objets, voyages, dîners et toute prestation offerte.

Pour être caractérisée, cette infraction requiert la preuve d’un dol général et un dol spécial : l’élu a conscience de transgresser de façon illicite son devoir de probité et accomplit un abus de fonction dans le but d’obtenir une récompense.

La corruption est alors punie de 10 ans d’emprisonnement et d’une amende de 1 million d’euros.

D. La prise illégale d’intérêts

Défini à l’article 432-12 du Code pénal, ce délit est caractérisé lorsqu’un élu adhère à un intérêt qui compromet son impartialité dans une affaire traitée par l’autorité publique. Cette infraction suppose la réunion de plusieurs éléments constitutifs.

Tout d’abord, l’élu doit avoir un pouvoir de décision dans l’opération traitée par l’autorité publique. Il doit de plus se soumettre à un intérêt quelconque : il peut s’agir d’un intérêt pécuniaire, moral ou affectif par exemple. La prise en compte de cet intérêt doit altérer son impartialité, son indépendance ou son objectivité dans la prise de décision.

La prise illégale d’intérêts est par exemple retenue lorsqu’un agent participe à la délibération d’attribution d’une subvention à destination d’une association dont il est le président. Elle caractérise également une situation dans laquelle l’élu emploie un agent payé par la commune qui ne réalise en réalité que des missions qui touchent à ses intérêts privés. (Cass. Crim., 7 mai 1998, n° 97-81102)

Plusieurs faits justificatifs permettent de ne pas retenir la responsabilité pénale de l’élu. Dans une commune de moins de 35 000 habitants, les élus peuvent transférer des biens immobiliers de la commune, acquérir une parcelle communale, conclure des baux avec la commune pour une habitation privée, et acquérir des biens communaux pour leur activité professionnelle.

La prise illégale d’intérêt est punie de 5 ans d’emprisonnement et de 500 000 euros d’amende.

E. Délit de favoritisme

Ce délit est défini à l’article 432-14 du Code pénal. Il consiste pour un élu à ne pas respecter les règles des marchés publics ou contrats de concession et rompre l’égalité entre les candidats. Cette infraction est caractérisée dès lors qu’il y a violation des règles du contrat qu’importe si cette violation a effectivement procuré un avantage ou non. Ce délit est puni de 2 ans d’emprisonnement et de 200 000 euros d’amende.

F. Faux

Ce délit est défini aux articles 441-1 à 441-12 du code pénal. Il consiste en une falsification de la réalité quelle qu’elle soit. Cette infraction est caractérisée en cas de faux documents, de falsifications d’informations, de fausses déclarations ou encore de faux certificats. Pour être retenue, cette infraction requiert trois éléments que sont un faux en écriture, un préjudice et une intention coupable.  

Les élus sont particulièrement concernés par le faux en écriture publique visé à l’article 441-4 du code pénal. Cette infraction porte sur un écrit public ou authentique. Cette désignation regroupe les écritures judiciaires, fiscales, préfectorales, municipales, comptables, universitaires, ainsi que les actes d’état civil. Le faux en écriture publique est puni au regard de l’article 441-4 du code pénal de 10 ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende. Commise par un élu, cette peine est portée à 15 ans d’emprisonnement et 225 000 euros d’amende. 

G. Détournement de fonds publics

Délit défini à l’article 432-15 du code pénal, il consiste pour un élu à détourner les fonds publics ou tout objet de leur but initial. C’est le cas lorsqu’un maire organise une fête d’anniversaire aux frais de la commune (Cass. crim. , 14 février 2007, n° 06-81.107)

Ce délit est puni de 10 ans d’emprisonnement et d’une amende d’un million d’euros.

II. QUELS SONT LES DÉLITS NON INTENTIONNELS QUI ENGAGENT LA RESPONSABILITÉ DES ÉLUS ?

A. Conditions générales

Les infractions non intentionnelles recouvrent les délits dans lesquels l’élément matériel a bien été consommé mais l’auteur des faits n’avait pas l’intention de commettre les faits. La responsabilité des élus est alors engagée sur le fondement de l’article 121-3 du Code pénal.

Ce délit non intentionnel a été créé par la loi du 13 mai 1996 relative à la responsabilité pénale pour des faits d'imprudence ou de négligence qui ajoute un troisième alinéa à l’article 121-3 du Code pénal. Il est alors nécessaire, pour retenir cette infraction non intentionnelle, de démontrer l’existence d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité.

Si le lien de causalité est direct, une faute simple suffit à caractériser l’infraction. L’article 121-3 du code pénal énonce ainsi que :

« Il y a délit, lorsque la loi le prévoit, en cas de faute d'imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s'il est établi que l'auteur des faits n'a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait. »

Dès lors, en fonction des compétences et du pouvoir dont il disposait, l’élu peut, en cas de faute, engager sa responsabilité pénale. En application des articles 121-3 du code pénal, et L. 2123-34, L. 3123-28 et L. 4135-28 du code général des collectivités territoriales, la personne poursuivie ne peut être condamnée si elle a accompli “les diligences normales compte tenu de ses compétences, du pouvoir et des moyens dont il disposait ainsi que des difficultés propres aux missions que la loi lui confie”.

Trois fautes peuvent ainsi être retenus à l’égard d’un élu :

  • L’imprudence
  • La négligence
  • Le manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi

Pour apprécier l’existence de cette faute simple, il faut démontrer, conformément à l’article 121-3 du Code pénal, que l’élu n’a pas accompli les diligences normales compte tenu de ses compétences, des moyens dont il dispose et des difficultés liées aux missions que la loi lui confie.  

Si le lien de causalité n’est pas direct, l’acte de négligence n’est réprimé qu’en cas de faute caractérisée. La loi du 10 juillet 2000 tendant à préciser la définition des délits non intentionnels est venue modifier l’article 121-3 du code pénal et restreindre l’engagement de la responsabilité pénale des élus.

« Dans le cas prévu par l'alinéa qui précède, les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, sont responsables pénalement s'il est établi qu'elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer. » 

Pour déterminer la gravité de la faute, le juge pénal examine le degré de connaissance des risques par l’élu. Deux fautes peuvent ainsi être retenues :  

  • La violation manifestement délibérée d’une obligation de prudence ou de sécurité
  • L’imprudence ou la négligence qui expose autrui à un risque d’une particulière gravité

Ainsi, le juge pénal examine in concreto si l’élu a accompli les diligences normales, ainsi que le degré de gravité de la faute.

Les délits non intentionnels les plus susceptibles d’engager la responsabilité pénale des élus sont les homicides et blessures involontaires, le traitement des données sans surveillance, et la dégradation de biens à la suite d’un incendie ou d’une explosion.

En cas de commission d’une infraction pénale, la juridiction peut condamner l’auteur pour les dommages causés. Outre une peine d’emprisonnement et de potentielles amendes, il peut avoir à verser des dommages et intérêts aux éventuelles victimes en indemnisation de leurs préjudices.

B. La particularité du délit de mise en danger délibérée de la vie d’autrui

Ce délit est défini à l’article 121-3 du Code pénal. Il consiste à exposer délibérément autrui à un risque d’atteinte à la vie en raison d’une faute simple d’imprudence ou de négligence. La faute, le lien de causalité et le préjudice doivent être démontrés. Puisque cette infraction constitue un délit, l’intention coupable doit également être démontrée, c’est-à-dire la volonté délibérée de déroger à une obligation de prudence ou de sécurité. L’auteur des faits encourt alors 5 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.

C. Que faire lorsqu’un agent commet une faute ?

Le maire est responsable des agents qu’il emploie. Tout lien de préposition entraîne la mise en cause de la responsabilité du maire pour les actes de son préposé commis dans l’exercice de ses fonctions ou de ses missions. Le maire ne peut être exonéré de cette responsabilité que s’il démontre qu’il a délégué des compétences. (Cass. Crim. 28 juin 1902

Il peut dès lors engager sa responsabilité civile et pénale, et être condamné, non pas directement pour son fait personnel, mais pour celui des agents publics, sauf en présence d’une délégation de pouvoirs. 

IV. Que faire en cas de mise en cause de sa responsabilité pénale ? La protection fonctionnelle

En vertu des articles L. 2123-34 et suivants du Code des relations entre le public et l’administration, les collectivités territoriales protègent leurs élus quand ils font l’objet de poursuites pénales pour une faute qui n’est pas détachable de l’exercice de leurs fonctions. Cette protection fonctionnelle repose sur le principe général du droit selon lequel l’Administration protège ses agents contre les menaces, actes diffamatoires, mais aussi poursuites pénales, dont ils peuvent faire l’objet. (Conseil d’État, 8 juin 2011, n° 312700)

Dès lors, un élu qui fait l’objet de poursuites pénales doit demander cette protection fonctionnelle : elle n’est pas attribuée de façon automatique. L’administration vérifie si l’élu n’a pas commis de faute personnelle détachable de l’exercice de ses fonctions. Si ce n’est pas le cas, elle est tenue de lui accorder la protection fonctionnelle.

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