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14
August 2023

Fraude fiscale : quel risque pénal en cas de contrôle fiscal ?

Fraude fiscale : quel risque pénal en cas de contrôle fiscal ?

Depuis plusieurs années, la lutte contre la délinquance économique et financière et notamment contre la fraude fiscale a conduit à une augmentation du nombre de procédures engagées ainsi qu'un renforcement de la répression.

Lors du communiqué de presse du 3 mars 2022, le ministère de l'Économie, des Finances et de la Relance chargé des Comptes publics a communiqué le bilan d’action contre la fraude fiscale.

Faisant suite à des contrôles fiscaux, ce sont 13,4 milliards d'euros qui ont été réclamés aux particuliers et aux entreprises en 2021, dont 10,7 milliards d'euros ont été encaissés sur les comptes publics.

L’augmentation des sommes réclamées est en partie due à l’évolution des contrôles ciblés par « datamining », c’est-à-dire reposant sur l’exploitation de masses de données extérieures aux déclarations fiscales, notamment issues de plateformes collaboratives obtenues par la DGFiP ou collectées sur les réseaux sociaux.

De plus, si les contrôles fiscaux peuvent déboucher sur les sanctions fiscales, ils peuvent également conduire à l’engagement de poursuites pénales. L’administration fiscale déclare avoir transmis au parquet 1 620 dossiers aux fins de poursuites pénales pour fraude fiscale et escroquerie fiscale.

Dans ce contexte, il convient de revenir sur les modalités du contrôle fiscal, puis de s’intéresser à ses conséquences, notamment pénales.

I. Le contrôle fiscal

Dans le système fiscal français l’impôt est généralement assis sur les bases d’impositions déclarés par le redevable lui-même. Ces déclarations bénéficient d’une présomption d’exactitude et les inexactitudes sont présumées commises de bonne foi.

Néanmoins, ces erreurs, involontaires ou non, doivent être corrigées par l’administration fiscale. Pour y procéder, cette dernière peut procéder à un contrôle fiscal qui a pour objet de réunir les éléments d’informations indispensables afin d’examiner les déclarations et de les confronter à la réalité des faits.

Les 4 principales formes du contrôle fiscal :

1. Le contrôle sur pièces : Il s’agit du contrôle le plus fréquent, il est effectué à distance par les agents depuis leur bureau. Il a pour objet de vérifier que tous les contribuables ont bien déposé leur déclaration ; de rectifier les erreurs, insuffisances, inexactitudes, omissions ou dissimulations dans les éléments servant de base au calcul de l'impôt. Cette forme de contrôle a fait l’objet d’une évolution conséquente, ayant permis de retrouver 5,6 milliards en 2021 soit une progression de 30% par rapport à 2019.

2. La vérification de comptabilité : Porte sur la comptabilité des entreprises.

3. L’examen de comptabilité : Il s’agit d’un mode de vérification de comptabilité effectué à distance par les agents. Il se fonde sur les éléments déjà présentés ainsi que sur une copie des fichiers d’écritures comptables qui seront demandés au contribuable.

4. L’examen contradictoire de la situation fiscale personnelle :  Il porte sur l'ensemble des opérations ayant pour objet la recherche de cohérence entre les revenus déclarés et la situation patrimoniale, la situation de trésorerie et le train de vie dont ont pu disposer le contribuable et les autres membres du foyer fiscal du contribuable. Il s’agit d’un examen contradictoire dans la mesure où il sera demandé au contribuable de présenter des éclaircissements sur certains points et d’apporter certains justificatifs relatifs à sa situation.

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II. Les conséquences du contrôle fiscal

Bien entendu, lorsque le contrôle fiscal s’achève sans constater d’écart entre les déclarations et la réalité des faits, le déclarant n’encourt aucune sanction.

A l’inverse, lorsque des erreurs ont été constatées, il s’en suit en premier lieu des conséquences fiscales, ainsi que dans certains cas, des sanctions pénales.

A. Les sanctions fiscales

A l’issu du contrôle fiscal, dans le cas où des omissions ou des erreurs ont été découvertes, il est mis en œuvre une procédure de rectification permettant à l’administration fiscale de solliciter le règlement de l’impôt qui apparaît comme restant à payer, nommé « droit de reprise ».

Ce droit exercé par l’administration fiscale peut s’éteindre par l’effet de la prescription.

En principe, le délai de prescription est généralement de 3 années. Plus précisément, le droit de reprise de l’administration fiscale expire à la fin de la 3ème année suivant celle au titre de laquelle l’imposition est due.

Par exceptions, le délai de prescription peut être allongé dans certaines situations :

  • Il est de 5 années : Lorsque l'administration, ayant découvert qu'un contribuable se livrait à des agissements frauduleux, a déposé une plainte contre lui.
  • Il est de 10 années : Lorsqu’un constat de flagrance a été dressé, en cas de non-déclaration d'avoirs détenus à l'étranger ou de revenus provenant de l'étranger ou lorsque l’exercice d’une activité occulte a été découvert (il existe une activité occulte dès lors que le contribuable n’a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce soit a exercé une activité illicite, et n'a pas déposé dans les délais légaux les déclarations qu'il était tenu de souscrire au titre de l'activité exercée)
  • Il est interrompu : Lorsqu’une enquête pour fraude fiscale a été ouverte. Dans cette hypothèse, la prescription est interrompue. Elle fait ensuite naître un nouveau délai une fois la procédure achevée, s’étendant jusqu'à la fin de l'année qui suit la décision. Cependant, ce délai fait l’objet d’une forclusion, c’est-à-dire qu’en toutes circonstances il ne peut pas s’étendre au-delà de la fin de la dixième année suivant celle au titre de laquelle l'imposition est due.

Il peut également être demandé le paiement d’intérêts de retard, lorsque les sommes dues n’ont pas été acquittées dans le délai légal donne lieu au versement d'un intérêt de retard. Ces intérêts ont pour objet de compenser forfaitairement le préjudice financier subi par le Trésor du fait de l'encaissement tardif de sa créance. Ils ne sont pas considérés comme des sanctions.

Enfin, il peut être prononcé des sanctions fiscales que constituent principalement les majorations de l’impôt, dont le montant peut être considérable :

  • En cas de défaut de production d'une déclaration comportant des éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt : Le taux de majoration est de 10% en l’absence de mise en demeure ; de 40% à l’expiration d’un délai de 30 jours après la mise en demeure et de 80% en cas de découverte d’une activité occulte.
  • En cas d’inexactitude ou d’omission : la majoration est de 40% en cas de manquement délibéré ou de 80% en cas de manœuvres frauduleuses.

Il existe également des sanctions spéciales :

  • L’article 1729 du code général des impôts permet le recours à la publication sur son site internet des sanctions prononcées à l’encontre des personnes morales ayant fraudé pour plus de 50 000€ en ayant recours à des manœuvres frauduleuses.
  • L’article 1740 du code général des impôts sanctionne toutes personnes physique ou morale qui, dans l'exercice d'une activité professionnelle de conseil à caractère juridique, financier ou comptable ou de détention de biens ou de fonds pour le compte d'un tiers, a intentionnellement fourni à un contribuable une prestation permettant directement la commission par ce contribuable des agissements sanctionnés. L’amende est d’un minimum de 10 000€ et peut s’élever jusqu’à la moitié de revenus tirés de la prestation. Elle inapplicable en cas de poursuite pénale pour complicité de fraude fiscale.

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B. Les sanctions pénales

Le risque pénal se matérialise principalement par le risque de commettre le délit général de fraude fiscale est défini par l'article 1741 du code général des impôts qui précise ainsi : « s'est frauduleusement soustrait ou a tenté de se soustraire frauduleusement à l'établissement ou au paiement total ou partiel des impôts visés dans la présente codification, soit qu'il ait volontairement omis de faire sa déclaration dans les délais prescrits, soit qu'il ait volontairement dissimulé une part des sommes sujettes à l'impôt, soit qu'il ait organisé son insolvabilité ou mis obstacle par d'autres manœuvres au recouvrement de l'impôt, soit en agissant de toute autre manière frauduleuse, est passible, indépendamment des sanctions fiscales applicables, d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 500 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l'infraction. »

Mise en garde : Les sanctions pénales s’ajoutent aux sanctions fiscales.

1. Quels sont éléments constitutifs du délit de fraude fiscale ?

1.1 Le comportement reproché

Il est reproché soustraction ou une tentative de soustraction à l’impôt.

Il résulte de l’un des comportements suivants :

L’omission de déclaration dans les délais prescrits : Notamment en l’absence de réponse donné aux mises en demeures de l’administration fiscale.

La dissimulation des sommes sujettes à l’impôt : Il s’agit de la dissimulation de toutes sommes susceptibles d’être imposées, notamment sur le bénéfice, le chiffre d’affaires, les revenus, la majoration des charges déductibles, etc… Toutefois, elle doit excéder le seuil de la tolérance légale (très faible), c’est-à-dire le dixième de la somme imposable ou 153 euros.

- L’organisation de l’insolvabilité : Lorsque la personne, par un ensemble de mesures, a soustrait ou tenté de soustraire ses biens aux poursuites en recouvrement de l'impôt

Les autres moyens frauduleux : Le texte vise l’emploi de manœuvres visant à faire obstacle au recouvrement de l’impôt ainsi que toute autre manière frauduleuse. Ces formulations ont pour objet de faire entrer dans le champ d’incrimination les comportements résiduels qui n’ont pas spécifiquement anticipé par le législateur. Il en résulte une incrimination non limitative qui implique que tout moyen frauduleux ayant pour objet la soustraction a l’impôt constitue le délit.

1.2 L’intention nécessaire

La fraude fiscale est une infraction pénale de nature délictuelle, il est donc nécessaire de constater que l’auteur de l’infraction avait l’intention de se soustraire au paiement de l’impôt lorsqu’il a commis les comportements qui lui sont reprochés.

Il est important de préciser que la preuve de l’intention est à la charge du ministère public ou de l’administration fiscale. Il ne peut y avoir de condamnation pour fraude fiscal si la preuve de l’intention n’est pas rapportée.

Pour établir l’intention de l’auteur, il sera pris en compte les circonstances de faits dans lesquels les comportements ont été commis. Également, le degré de connaissance en matière juridique et fiscale peut constituer un indice du caractère volontaire de la soustraction à l’imposition.

2. Quelles sont les personnes pouvant se rendre auteur de l’infraction ?

Le délit de fraude fiscale peut s’appliquer à toutes personnes, physiques ou morales.

Dès lors, il peut être commis par le contribuable lui-même, une société, le dirigeant d’une société…

Il convient de préciser que dès lors qu’une société commet l’infraction, la responsabilité du dirigeant sera également recherchée cumulativement.

Les coauteurs ainsi que tous complices peuvent également être poursuivis pour fraude fiscale. Également, l’article 1743 du code général des impôts considère comme auteur de l’infraction certains professionnels ayant permis la réalisation de la fraude fiscale, notamment les comptables en cas d’irrégularité volontaires dans la tenue des écritures comptables ainsi que les intermédiaires jouent un rôle dans le processus d’évasion fiscale.

3. Comment s’organisent les poursuites ?

Avant la loi du 23 octobre 2018, le parquet ne disposait pas de l’initiative des poursuites en matière de fraudes fiscales. L’initiative des poursuites était alors conditionnée à un dépôt de plainte de l’administration fiscale agissant après avis favorable de la Commission des infractions fiscales.

Il s’agit d’un régime spécifique à la poursuite de ce type d’infraction dénommé « verrou de Bercy » qui a pour objet de réserver les poursuites pénales aux seuls cas les plus graves, lorsque les sanctions fiscales s’avèrent insuffisantes au regard de la gravité de la fraude.

Il résultait de ce système que seulement 1 000 plaintes étaient déposées chaque année, un nombre particulièrement faible par rapport aux 50 000 contrôles fiscaux réalisés.

La loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude a apporté des modifications l’exercice des poursuites pour fraude fiscale.

Désormais, l’administration fiscale est désormais tenue de dénoncer au procureur les faits pouvant relever du délit de fraude fiscale lorsque :

  • Pour une personne morale ou physique : Lorsqu’il porte sur des droits supérieurs à 100 000€ et donnant lieu à une majoration supérieure à 40%.
  • Pour certains élus et hauts fonctionnaires : Lorsqu’il porte sur des droits supérieurs à 50 000€ et donnant lieu à une majoration supérieure à 40%.

Dans les autres hypothèses, l’administration fiscale conserve son pouvoir d’initiative des poursuites qui ne seront déclenchées qu’après avis conforme de la commission des infractions fiscales.

Ce nouveau système a conduit à une augmentation du nombre de transmission au parquet, dépassant désormais les 1600 plaintes.

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4. Quelles sont les peines en cas de délit de fraude fiscale ?

Le délit de fraude fiscale est passible d’une peine de 5 ans d’emprisonnement et de 500 000€ d’amende dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction.

Également, le délit comporte des circonstances aggravantes portant la peine à sept ans d'emprisonnement et à une amende de 3 000 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l'infraction.

L’infraction est ainsi aggravée lorsque les faits ont été commis dans au moins l’une des 6 circonstances prévues :

  • Le délit est commis en bande organisée
  • Le délit est facilité par des comptes ouverts ou de contrats souscrits auprès d'organismes établis à l'étranger
  • Le délit est facilité par l'interposition de personnes physiques ou morales ou de tout organisme, fiducie ou institution comparable établis à l'étranger
  • Le délit est facilité par l'usage d'une fausse identité ou de faux documents ou de toute autre falsification
  • Le délit est facilité par une domiciliation fiscale fictive ou artificielle à l'étranger.
  • Le délit est facilité par un acte fictif ou artificiel ou de l'interposition d'une entité fictive ou artificielle.

Lorsque la fraude fiscale est commise par une personne morale (société, association), l’amende maximale est quintuplée, passant ainsi à 2 500 000€ ou 15 000 000€ en cas d’aggravation. En tout état de cause, lorsque le produit tiré de l’infraction dépasse ces sommes, l’amende peut être égale au double de ce produit.

Il convient de préciser, que pour toutes personnes, comme pour toutes infractions, que les peines sont doublées en cas de récidive légale.

En outre, il peut s’ajouter à ces sanctions des peines complémentaires. Les principales sont :

L’interdiction de tout ou partie des droits civiques et de famille pour une durée maximale de 5 ans (droit de vote, éligibilité, le droit d'exercer une fonction juridictionnelle ou d'être expert devant une juridiction, de représenter ou d'assister une partie devant la justice, d’être tuteur ou curateur, droit de témoigner en justice hors déclarations simples).

Mise en garde 1 : Cette interdiction est obligatoire en cas d’aggravation de l’infraction, de son recel ou de son blanchiment.
Mise en garde 2 : Lorsque les faits sont commis par des personnes exerçants les fonctions électives ou de membre du gouvernement, l’inéligibilité peut être prononcée pour une durée de 10 ans.
  • L’affichage de la décision prononcée et sa diffusion. En principe, cet affichage doit être dès lors que la personne est condamnée pour fraude fiscale. Toutefois, le juge peut décider de ne pas y procéder en raison des circonstances ou de l’infraction ou de la personnalité de l’auteur.
  • L'interdiction d'exercer, directement ou non, pour son propre compte ou non, une profession libérale, commerciale ou industrielle, ou de diriger, d'administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale (seulement lorsque l’impôt objet de la fraude est visé par l’article 1750 du CGI).
  • De façon assez surprenante, la suspension du permis de conduire, pour une durée de trois ans au plus, ou de six ans au plus en cas de récidive, la juridiction pouvant limiter cette peine à la conduite en dehors de l'activité professionnelle (seulement lorsque l’impôt objet de la fraude est visé par l’article 1750 du CGI).

Enfin, il existe un système dit de « repenti » permettant de réduire la peine d’emprisonnement encourue de moitié. Pour bénéficier de cette disposition, l’auteur ou le complice du délit de fraude fiscale doit avoir averti l’autorité administrative ou judiciaire et permis d’identifier d’autres auteurs ou complices.

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